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DOSSIERBilan de l'année

LES MEILLEURS FILMS DE 2019 SELON RAPHAËL JULLIEN

2019 fut exceptionnellement riche en cinéma, et le Festival de Cannes a eu un flair particulièrement développé en sélectionnant bon nombre des meilleurs films de l’année.

Après "L'Île aux chiens" en 2018, un nouveau chef-d’œuvre d’animation tient le haut du pavé : le poétique et inventif "J'ai perdu mon corps" (dont on peut aussi applaudir la formidable musique de Dan Levy). Globalement, ce fut d’ailleurs un bon cru pour l’animation avec deux tendances de fond : des suites qui égalent voire dépassent les opus précédents ; et une belle diversité de personnages féminins auxquels s’identifier (voir top thématique). Autre bonne nouvelle : derrière le film de Jérémy Clapin, le cinéma français affiche, d’un point de vue créatif, une très bonne santé, avec une grande variété de genres et de styles.

Si l’on passe 2019 au peigne fin, on remarque que l’évolution des mentalités continue d’imprégner le cinéma. Dans un contexte post-MeToo, l’émancipation des femmes semble croissante et donne lieu à de très beaux longs métrages féministes (ouvertement ou non), pas uniquement faits par des femmes : "Portrait de la jeune fille en feu", "La Favorite", "Papicha", "Proxima", "Les Hirondelles de Kaboul"... Des processus similaires d’affirmation et de libération concernent les personnes trans ("Lola vers la mer", "Océan") ou les minorités dites « visibles » ("Green Book", "Us", "See You Yesterday"). Sur ce dernier point, des signes plus qu’encourageants sont à noter avec la présence grandissante de personnages non racialisés. Les mouvements "Oscars So White" et "Noire n'est pas mon métier" porteraient-ils leur fruit ? C’est ainsi que l’origine de personnages (et de leurs interprètes) n’est pas un sujet de premier plan, voire pas un sujet du tout, dans des films comme "Yesterday", "Tu mérites un amour", "J'ai perdu mon corps" ou "Deux moi". Plus subtilement, l’évolution est palpable dans l’attribution de certains noms de personnages à des acteurs comme Reda Kateb et Omar Sy (Grandchamp et D’Orsi dans "Le Chant du loup") ou Medi Sadoun et Frédéric Chau (Bruno et François dans "Made in China"). Par ailleurs, la diversité a ouvertement été affichée comme un enrichissement : "Green Book", "Give Me Liberty", "La Lutte des classes", voire "La Mule". Admettons aussi que, au sujet du racisme, "Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ?" s’avère bien plus réussi que le premier opus. Certains films se montrent plus inquiets sur la coexistence des identités ("Les Misérables", "Border").

Dans tous les cas, le cinéma continuer de proposer des regards pertinents sur notre monde, faisant du contexte social ou politique, local ou international, un sujet ou une toile de fond, souvent avec réalisme ("Les Misérables", "Grâce à Dieu"), parfois en se focalisant sur la justice ("Une intime conviction", "Acusada"), en proposant une part d’anticipation ("Le Chant du loup") ou encore avec des documentaires engagés ("J'veux du soleil", "Nous, le peuple"), quand d’autres œuvres laissent une plus grande place à la suggestion ou la métaphore ("Parasite", "Joker", "Bacurau", "Ad Astra", voire l’humour absurde de "Yves" et "Le Daim").

Côté flop, nous avons eu une suite inutile qui n’a de comédie que le nom ("Tanguy, le retour"), une niaiserie glorifiant la domination masculine ("After : Chapitre 1"), un nanar supposément arty ("Alien Crystal Palace"), un pseudo-Goonies à la sauce n’importe quoi ("Le Bout du monde") et un océan de beaufitude contenant quelques gouttes d’humour réussi ("All Inclusive"). En marge des flops, signalons un film promotionnel qui se prend pour un documentaire ("Happy"), un film qui finit par oublier son sujet ("Made in China"), de l’ennui auteuriste ("Zombi Child"), une grosse déception ("La Vie scolaire", très très loin de la subtilité de "Patients") ou encore un film à vomir ("Midsommar", dont la fascination esthétisante pour de malsaines atrocités confine à l’indécence et s’accompagne d’une prétention à vouloir se poser comme une synthèse entre Kubrick, Bergman et Von Trier).

Pour conclure sur une note plus éclatante, soulignons les œuvres qui ont apporté de l’espoir et donné une furieuse envie de vivre et de faire des rencontres : "J'ai perdu mon corps", "Yesterday", "Green Book", "Deux moi", "Give Me Liberty", "Kabullywood"… Ouf, la vie peut aussi être belle !

TOP 10 films

1. J'ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin
2. Give Me Liberty, de Kirill Mikhanovsky
3. Parasite, de Bong Joon-ho
4. Joker, de Todd Phillips
5. Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma
6. La Favorite, de Yórgos Lánthimos
7. Douleur et Gloire, de Pedro Almodóvar
8. Bacurau, de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles
9. Grâce à Dieu, de François Ozon
10. Yesterday, de Danny Boyle

FLOP 5 films

1. Tanguy, le retour, d’Étienne Chatiliez
2. After : Chapitre 1, de XX
3. Alien Crystal Palace, d’Arielle Dombasle
4. Le Bout du monde, de McG
5. All Inclusive, de Fabien Onteniente

TOP 5 réalisateurs et réalisatrices

1. Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu)
2. Yórgos Lánthimos (La Favorite)
3. Ladj Ly (Les Misérables)
4. Justine Triet (Sibyl)
5. Pedro Almodóvar (Douleur et Gloire)

TOP 5 acteurs

1. Joaquin Phoenix (Joker)
2. Antonio Banderas (Douleur et Gloire)
3. Brad Pitt (Ad Astra ; Once Upon a Time… in Hollywood)
4. Denis Ménochet (Grâce à Dieu ; Seules les bêtes)
5. Viggo Mortensen (Green Book)

TOP 5 actrices

1. Olivia Colman (La Favorite)
2. Eva Green (Proxima ; Dumbo)
3. Virginie Efira (Sibyl)
4. Lyna Khoudri (Papicha)
5. Lupita Nyong’o (Us)

TOP thématique : une diversité de personnages féminins animés

1. Bo la bergère (Toy Story 4)
2. Zunaira (Les Hirondelles de Kaboul)
3. Yi (Abominable)
4. Alita « 99 » (Alita: Battle Angel)
5. Gabrielle (J’ai perdu mon corps)
6. Anna et Elsa d’Arendelle, et leur mère Iduna (La Reine des neiges 2)
7. Alva, Tammy Krumm et « Poupette » Ellingboe (Klaus)
8. Maria (Playmobil, le film)
Bonus : des personnages animaliers pas tous genrés (Minuscules 2)

TOP thématique : des objets qui ont aussi un rôle majeur

1. Un blouson (Le Daim)
2. Un frigo (Yves)
3. Une fourchette en plastique (Toy Story 4)
4. Un drone et un LBD (Les Misérables)
5. Un magnétophone (J’ai perdu mon corps)
6. Un iPod (Lola vers la mer)
7. Des ciseaux (Us + Papicha)
8. Un camescope et une télévision (Mirage)
9. Des gilets jaunes (J'veux du soleil)
10. Des casques audio (Le Chant du loup)
11. Des post-it (Yesterday)

Révélations de l’année 2019

Lyna Khoudri, combative et sensible dans "Papicha" (aussi à l’affiche de "Hors normes", mais que j’avoue ne pas encore avoir vu).

François Civil, plus une confirmation qu'une révélation, a été omniprésent et toujours très bon dans "Deux moi", "Le Chant du loup" et "Mon inconnue" (aussi à l'affiche de "Celle que vous croyez", mais que je n'ai pas vu non plus).

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur