BORDER LINE

Immigrants au bord de la crise de nerfs

Diego et Elena, respectivement vénézuélien et espagnole, arrivent à l’aéroport de New York. Le couple a l’intention de s’installer en Floride. Malgré la « green card » qu’ils ont obtenue, le passage à la douane ne va pas être si facile…

Border Line film movie

Si vous êtes du style à manquer de sérénité lors des passages à la douane même en sachant que vous n’avez rien à vous reprocher, ce film risque d’être encore plus intense pour vous que pour les autres ! En effet, il y a quelque chose d’étouffant dans ce huis clos (après quelques minutes de taxi puis d’avion, les personnages passent la majorité du film dans un aéroport). L’enfermement spatial est une chose, l’incertitude en est une autre. Le couple fait ainsi face à toute la froideur des autorités américaines, très avares en informations (qu’a-t-on à leur reprocher) et aussi en sympathie basique (la soif ou le diabète d’une personne leur importent peu).

Vénézuéliens vivant en Espagne, les deux réalisateurs livrent un premier long métrage féroce sur la politique américaine en matière d’immigration et de droits humains. Ils construisent donc un thriller psychologique à la tension progressive, pour mettre en évidence les abus de domination et les décisions arbitraires qui entachent la démocratie aux États-Unis dans un contexte paranoïaque à la fois post-2001 et trumpiste (dans les premières secondes, la radio nous fait comprendre que le récit se situe durant la présidence Trump). S’installe aussi un jeu de dupes dans lequel il est difficile de démêler le vrai du faux, jusqu’à une fin percutante qui permet à nos cerveaux de continuer à réfléchir à ce qui s’est déroulé sous nos yeux pendant moins d’1h20.

Ne se contentant pas d’aborder l’accueil des immigrés sur le sol américain, les réalisateurs en profitent pour évoquer la question de la confiance au sein d’un couple, le racisme qui existe en Espagne à l’égard des Latino-Américains, ou encore l’identité quasi schizophrène des Latinos aux États-Unis (via le personnage de l’agente incarnée par Laura Gómez, vue notamment dans la série "Orange Is the New Black").

Au-delà du scénario et de la mise en scène (simple mais efficace), "Border Line" (NB : merci aux distributeurs français pour ce titre très intelligent !) doit aussi sa réussite à son sens de l’humour, parfois grinçant (jusque dans le choix ironique de la chanson "Congratulations" de Kevin Morby), et à la justesse de jeu, en particulier celle des deux interprètes principaux, Alberto Amman et Bruna Cusí, grandioses du début jusqu’à la fin.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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