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À L'HONNEUR : le cinéma ukrainien et l'Ukraine au cinéma

Alors que l’Ukraine subit une ignominieuse invasion fomentée par Vladimir Poutine, le moins que l’on puisse faire, sur Abus de Ciné, c’est de rendre hommage à ce pays et à sa culture. Voici donc un passage en revue de films ukrainiens que nous avons critiqués sur notre site depuis sa création en 2001 et de certains autres films ayant un lien plus ou moins important avec l’Ukraine.

Les films ukrainiens

À L’HONNEUR : le cinéma ukrainien et l’Ukraine au cinéma affiche Donbass

© Pyramide Distribution

En termes de cinéma ukrainien au XXIe siècle, on ne peut pas passer à côté de Sergei Loznitsa, qui a notamment signé deux films en lien direct avec la situation actuelle : le documentaire "Maïdan" (2014), du nom de la place de Kiev devenue le symbole des mouvements pro-démocratie et pro-européens, et la fiction "Donbass" (2018), qui se déroule dans les régions séparatistes de l’Est du pays, avec plusieurs récits inspirés de vidéos de ce conflit diffusées sur YouTube. Nous avons également critiqué tous ses autres longs métrages de fiction : le road-movie "My Joy" (2010), "Dans la brume" (2012), qui évoque la Biélorussie durant l’occupation allemande, et "Une femme douce" (2017), dont le récit inspiré de Dostoïevski se déroule dans un village de Russie. Ajoutons deux documentaires ayant pour point commun d’utiliser des archives sans commentaire : "Funérailles d’État" (2020), à propos de la mort de Staline, et "Une nuit à l’opéra", l’un des quatre segments du programme collectif "Celles qui chantent" (2020).

Pour avoir d’autres regards ukrainiens sur ce que vit ce pays depuis quelques années, on conseillera aussi le documentaire "We Are Soldiers" (passé relativement inaperçu à sa sortie en salles en 2020 et désormais disponible en DVD), portrait de trois volontaires blessés sur le front du Donbass. La plateforme Netflix a par ailleurs dans son catalogue un autre documentaire, "Winter on Fire: Ukraine’s Fight for Freedom" (2015 ; nommé aux Oscars en 2016), qui revient sur les manifestations Euromaïdan de 2013-2014 avec un peu plus de recul temporel que le film de Loznitsa.

On espère aussi une sortie en salles prochaine de plusieurs longs métrages présentés en festival : "Reflection" (Venise 2021), fiction qui met en scène un chirurgien ukrainien fait prisonnier et contraint d’assister voire de participer aux pires exactions et tortures dans le cadre du conflit en Ukraine orientale ; "La Terre est bleue comme une orange" (Berlin 2020, Sundance 2020, Black Movie 2021…), documentaire sur le quotidien d’une famille dans le Donbass en guerre ; "En terre de Crimée" (Cannes 2019), film initiatique et politique qui permet entre autres de découvrir le peuple tatar de cette péninsule que la Russie a annexée en 2014. Moins apprécié sur Abus de Ciné mais également inédit en salles, "Atlantis" (Venise 2019) suit un soldat en quête d’amour dans une Ukraine dévastée par la guerre.

Pour aborder d’autres thématiques tout en découvrant le cinéma ukrainien, on pourra opter pour "La Terre outragée" (2012), drame se déroulant à Tchernobyl avant et après la catastrophe nucléaire, et "The Tribe" (2014), film choc mettant en scène un gang d’étudiants sourds et muets.

L’Ukraine à l’écran dans le cinéma étranger

Comme la production ukrainienne n’est pas pléthorique (et encore moins si on se limite aux films sortis en France), on peut se tourner vers des regards extérieurs, avec des longs métrages se situant en Ukraine ou évoquant ce pays, dont beaucoup explorent d’une façon ou d’une autre la thématique de l’exil et la question des origines.

À L’HONNEUR : le cinéma ukrainien et l’Ukraine au cinéma affiche Olga

© ARP Sélection

Commençons là aussi par les films qui proposent une mise en perspective de la période actuelle. "Olga" (2021) aborde avec intelligence le mouvement Euromaïdan à travers le vécu d’une gymnaste ukrainienne exilée en Suisse. La même année, il y a eu le documentaire "Une autre idée du monde" mais on ne recommande guère ce film auto-centré à la gloire de Bernard-Henri Lévy, bien qu’il montre et développe des thématiques intéressantes concernant plusieurs conflits actuels dont celui qui met à mal l’unité ukrainienne. On peut aussi citer la comédie "Cerise" (2015), dans lequel une ado française se retrouve exilée en Ukraine en pleine révolution, mais là non plus, notre avis n’était guère reluisant.

Plus indirectement, on pourrait conseiller, malgré ses nombreux défauts, de regarder "L’Ombre de Staline" (2019), car Agnieszka Holland y aborde l’Holodomor, nom donné à la grande famine ayant frappé l’Ukraine (alors soviétique) en 1932-1933, soit l’un des grands traumatismes de l’histoire commune russo-ukrainienne. Le documentaire italien "Il varco" (2021) revient pour sa part sur l’invasion allemande de l’URSS et particulièrement la partie ukrainienne de l’Union, ce qui nous fera méditer sur le tragique miroir de l’actuelle invasion russe.

La grande Histoire est aussi au centre des enjeux de deux autres films. Dans "Tout est illuminé" (2005) de Liev Shreiber, le jeune héros, juif américain, part en Ukraine sur les traces de ses origines, son grand-père ayant fui les nazis. Quant à "Survivre avec les loups" (2007), il conte l’histoire d’une fille juive de 8 ans qui quitte la Belgique durant la Seconde Guerre mondiale pour tenter de retrouver ses parents qui ont été déportés ; elle se retrouve alors en Ukraine, où elle rencontre les fameux loups du titre.

D’autres scénarios sont plus ancrés dans l’époque post-soviétique. Le cinéaste tadjik Bahtiar Khudojnazarov avait choisi l’Ukraine et plus particulièrement la Crimée pour son premier film tourné en-dehors de l’Asie centrale : "Le Costume" (2003), portrait d’une bande de jeunes quelque peu rêveurs et naïfs. C’est aussi la Crimée qui est concernée par "Koktebel" (2005) du duo russe Boris Khlebnikov/Alexeï Popogrebsky, intitulé d’après la ville du même nom que veulent rejoindre un père et son fils, mais le film ne s’y déroule pas.

À la fin de "It’s a Free World" (2007) de Ken Loach (attention spoiler !), l’héroïne se rend en Ukraine pour recruter des travailleurs illégaux. Quant à Ulrich Seidl, il a réalisé un film cru, "Import/Export" (2009), montrant les destins croisés d’un chômeur viennois partant en Ukraine et d’une infirmière ukrainienne cherchant le bonheur en Autriche.

Pour sa part, Jean-Luc Godard fait passer ses personnages à Odessa dans la première partie de son "Film Socialisme" (2010), et plus particulièrement sur les mêmes marches que le célèbre "Cuirassé Potemkine" (1925) d’Eiseinstein – l’occasion de rappeler que ce qui est sans doute le film russe le plus célèbre de l’histoire se déroule en Ukraine. C’est également à Odessa que doit se rendre une jeune Ukrainienne accompagnée par un convoyeur marseillais dans le film d’action "Le Transporteur 3" (2008). Et Odessa toujours : c’est dans cette ville du littoral ukrainien que se déroule "107 Mothers" du Slovaque Péter Kerekes (présenté à Venise et San Sebastián en 2021 mais inédit en France pour l’instant), et plus particulièrement dans une prison pour femmes ; s’inspirant d’histoires vraies, ce film parle à la fois de l’adoption forcée et de la condition des femmes, dans et hors de la prison.

De façon plus anecdotique, évoquons enfin "Au sud des nuages" (2005) dans lequel les personnages traversent l’Ukraine mais ne s’y intéressent pas.

Des personnages ukrainiens en-dehors de leur pays d’origine

On retrouve çà et là des personnages ukrainiens éparpillés à travers le monde : une orpheline adoptée en Islande dans "Woman at War" (2018) ; un immigré à Londres dans "Obscénité et Vertu" (2008) ; une immigrée dans l’Oklahoma dans "Bringing Up Bobby" (2011) ; un père polono-ukrainien dans la famille cosmopolite de "Il y a longtemps que je t’aime" (2008) ; une femme dont est amoureux un Polonais plus jeune qu’elle dans "L’Homme de main" (également intitulé "L’Apprenti" ; 2006), ou encore des trafiquants dans le documentaire "Le Cauchemar de Darwin" (2004).

Remarquons aussi une thématique relativement courante : la prostitution de la population ukrainienne exilée, généralement féminine ("A casa nostra" en 2006, "La bella gente" et "Revanche" en 2009) et plus ponctuellement masculine ("Eastern Boys" en 2013).

D’autres films tournés en Ukraine mais ne s’y déroulant pas forcément

Il existe de nombreux films partiellement tournés en Ukraine mais dont le récit ne se déroule pas dans ce pays ou n’y fait pas référence explicitement. Citons d’abord le plus ambigu : "The Painted Bird", lauréat du prix Unicef à la Mostra de Venise en 2019, est en partie filmé dans ce pays mais la mise en scène s’évertue volontairement à brouiller les repères géographiques et linguistiques, et on comprend seulement que cette histoire se déroule en Europe de l’Est durant la Seconde Guerre mondiale.

À L’HONNEUR : le cinéma ukrainien et l’Ukraine au cinéma affiche La Mort de Staline

© Gaumont Distribution

"Stand" (2015), de Jonathan Taïeb, est une sorte de pied de nez à l’homophobie de Poutine puisqu’il a été tourné en Ukraine alors que l’histoire se déroule en Russie, dénonçant le danger permanent qui plane sur les homosexuels. Il en est de même pour "La Revanche des crevettes pailletées" (présenté à l’Alpe d’Huez en janvier 2022 et prochainement en salles), qui met en scène une équipe de water-polo gay se retrouvant coincée en Russie lors d’une escale. Malgré ces deux films, il est tout de même important de souligner que la situation des personnes LGBT en Ukraine est loin d’être rose.

Dans le même esprit, "La Mort de Staline" (2018), comédie qui aurait pu froisser les Russes, a été tourné en grande partie à Kiev alors qu’il se déroule à Moscou, tout comme "L’Affaire Farewell" (2009), filmé entre autres à Kiev et Kharkiv. "Möbius" (2013), qui met en scène un agent du FSB incarné par Jean Dujardin, a aussi été tourné en partie en Ukraine pour les séquences se déroulant en Russie.

Sans chercher l’exhaustivité, citons en vrac quelques autres longs métrages en partie tournés en Ukraine : "Day Watch" (2006 ; filmé en partie à Kiev) "Ao, le dernier Néandertal" (2010 ; avec ses paysages de toundra), "Le Dernier Mercenaire" (2021 ; intérieurs et extérieurs à Kiev et dans ses environs alors que le récit se déroule majoritairement en France et pas du tout en Ukraine) mais aussi, encore plus surprenant, "Le Secret des poignards volants" (2004 ; à Lviv et dans le parc naturel du côté de Kossiv, dans l’Ouest).

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur

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