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DANS LA BRUME

Un film de Sergei Loznitsa

La valse des attitudes en temps de guerre

Un soldat rend visite à un couple dans leur maison. L’homme semblait attendre cette visite, rongé par une apparente culpabilité. Les deux hommes se connaissent en effet, et la discussion s’engage autour de la libération du mari, de la pendaison de ses camarades et des soupçons de dénonciation qui pèsent sur lui. Le soldat finit par l’emmener dehors, vers une balade qui semble sans retour…

Après une première œuvre foisonnante ("My Joy"), dont la construction complexe faisait la réussite autant que le scénario moralement perturbant, l'ukrainien Sergei Loznitsa est revenu l'an dernier en compétition au Festival de Cannes, avec un film sur le positionnement moral de l'homme en tant de guerre. Situé durant l'occupation allemande en Biélorussie, "Dans la brume" retrace l'histoire d'un soldat venu venger ses amis en abattant celui qui les aurait dénoncé. Aidé en cela par un autre homme, il découvrira progressivement que les choses ne sont pas si simples.

Le film s'ouvre sur la pendaison de quelques personnes, sentence dont on ignore le motif, puis s'intéresse au périple de trois hommes, vers un lieu d'exécution, puis vers la ville la plus proche. La construction paraît simple au premier abord, puisqu'elle semble inclure à un récit linéaire trois flash-back correspondant chacun à l'un des personnages, et permettant d'éclairer leur attitude face à l'occupant. Mais Loznitsa ménage son suspense en mêlant les récits, et en relativisant la compromission et donc la culpabilité de chacun.

Entre rageuse entrée en résistance, neutralité devenue culpabilité d'avoir survécu, collaboration forcée et lâcheté ordinaire, le metteur en scène compose une fresque humaine qui touche au philosophique. D'un pas résolument lent, comme engourdi par le froid et la neige qui entourent ses personnages, il montre qu'en temps de conflit, tout peut arriver, que parfois « on croit l'ennemi plus son voisin », comme le dit l'un des personnages. S'il démontre que l'ennemi sait parfaitement utiliser la paranoïa des uns et la culpabilité des autres, il questionne sur la capacité des hommes à changer rapidement pour pouvoir survivre, terminant son film avec cette fameuse brume, qui recouvre paysage comme mémoire, et devenue parabole d'une Histoire où toutes les exactions restent impunies.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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