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HOMMAGE : Tim Burton vu par l’équipe d’Abus de Ciné

Plusieurs membres de la rédaction livrent leur vision personnelle du cinéma de Tim Burton, à travers leurs souvenirs ou leurs ressentis, pour rendre hommage au 14e lauréat du Prix Lumière.

Tim Burton, un (envoûtant) monde à part

Tim Burton. Rien qu'à l'énoncé de ces deux noms, c'est tout un univers de magie, de sorcellerie, de décors biscornus qui se dessine dans mon esprit. La découverte se fit sans doute à la télévision, avec la première diffusion de son "Batman" sur Canal +, mais c'est au cinéma, avec l’époustouflant "Edward aux mains d'argent", critique de la société américaine normée des années 50, en début d'année 1991, alors que j'allais désormais toutes les semaines au cinéma depuis environ un an, que la fascination a commencé. La découverte de Winona Ryder, celle d'un contraste entre monde aseptisé où comptent les apparences et les ragots, et celui, plus sombre mais plus pur, d'un innocent à la différence menaçante (ses mains en forme de ciseaux), furent un vrai choc. J'ai d'ailleurs toujours un fabuleux T-shirt de la marque Pampling, sur lequel Edward s'amuse à jouer à « Qui suis-je » en masquant les yeux de Winona... avec les conséquences horrifiques que vous pouvez imaginer.

Ayant rattrapé en vidéo "Beetlejuice", je ne manquerais désormais aucune occasion de m'évader dans ses mondes tarabiscotés, auprès de personnages farfelus ou effrayant. Séduit par l'humour noir déjanté de "Mars Attacks!" (Ak Ak Ak...), la déclaration d'amour au cinéma qu'est "Ed Wood", découvert à Cannes en 1994, puis sa production du génialissime "L'Étrange Noël de monsieur Jack", achèveront de me convaincre qu'il s'agit bien là d'un de mes réalisateurs préférés. Et c'est en 2003, que son film somme, "Big Fish", autour de la disparition du père, entra dans mon panthéon des meilleurs films de tous les temps. Bouleversant, poétique, avec ce qu'il faut de magie ou de fantaisie, c'est encore aujourd'hui mon film préféré de l'artiste. Et si depuis "Frankenweenie" il n'a pas réitéré de chef d’œuvre, j'attends, heureux d’avoir pu entre-temps assister à sa conférence de presse au Festival Lumière, avec impatience, de découvrir sa série télé "Mercredi" d’ici quelques semaines. En espérant que Netflix lui ait redonné un peu de sa liberté perdue face aux grands studios…

Olivier Bachelard

 “It's not unusual to have fun with anyone”

Comme toutes les étudiantes et tous les étudiants en école d'art dans les années 90, j'idolâtrais deux dieux : Michel Gondry et Tim Burton. Comme dans "La Science des rêves" on songeait toutes et tous à réaliser notre propre film d'animation façon "Frankenweenie" en écoutant Danny Elfman en boucle. Mais la première fois que j'ai découvert l'univers de Tim Burton, c'était lors de la sortie de "Beetlejuice". Après l'avoir vu, on s'était empressé, avec ma sœur, d'aller acheter le disque d'Harry Belafonte et régulièrement nous dansions autour de la table en hurlant « Day O !! Dayyyyy O ! » Les années qui suivirent, la sortie d'un nouveau Tim Burton était toujours un événement. Mes deux préférés étant "Edward aux mains d'argent" et "Mars Attacks!" (l’occasion pour moi de découvrir tout Tom Jones). Puis vint "Sweeney Todd" et l'alchimie fut brisée. Déjà "Big Fish" m'avait laissé de marbre mais cette sanglante comédie musicale ignoble et sans saveur eut raison de ma passion pour l'extravagant Mister Burton. Certes les films qui suivent sont loin d'être mauvais, mais je les trouve trop perfectionnistes et dépourvus de la magie de ses premières œuvres. Voyons tout de même ce que la série "Mercredi" nous réserve. En tout cas sur le papier, ça donne très envie.

Gaëlle Bouché

Rêver en noir et en couleur

Bien que Tim Burton figure parmi les cinéastes qui m’intéressent le plus (et l’un des rares dont j’ai vu tous les longs métrages à ce jour), je n’ai étrangement pas de souvenir précis de la manière dont j’ai découvert ses films de la période 1988-1996, ni dans quel ordre j’ai vu "Beetlejuice" (mon chouchou), "Edward aux mains d’argent", "Mars Attacks!" et ses deux "Batman". Seules certitudes (quoique…) : j’ai découvert "Ed Wood" et "L’Étrange Noël de monsieur Jack" plus tardivement et il a fallu attendre "Sleepy Hollow" pour que j’en vois un sur grand écran. L’accélération de mon admiration pour Burton n’est finalement pas venue d’un visionnage mais de la lecture de l’ouvrage "Burton on Burton" puis celle de son recueil de poèmes "La Triste Fin du petit Enfant Huître". Dès lors, ma fascination pour Burton a infusé durablement, bien que ses films du XXIe siècle m’aient apporté plus d’une déception (avec toutefois un seul que j’ai absolument détesté : "Sweeney Todd"). Je me rends compte avec le temps que son cinéma est exutoire. Ses courts et longs métrages sont ainsi comme une thérapie, qui désacralise la mort et l’horreur en les rendant fun, qui bouscule la normalité sclérosante, qui adoube la marginalité et les différences... La récurrente inversion des valeurs qui caractérise son cinéma n’est pas une démarche contestataire mais un plaidoyer constructif en faveur de la tolérance. Bref, il y a chez Burton l’équilibre que je vénère le plus au cinéma : cette capacité à changer notre regard sur la réalité de notre monde tout en étant divertissant.

Raphaël Jullien

Des monstres dans le salon

Samedi soir, 19h. J’ai 8 ans et une sœur qui me gâche la vie. Aux premières images de "L’Étrange Noël de monsieur Jack", la voilà qui se réfugie terrifiée derrière sa serviette de table, forçant ma mère à utiliser ses supers reflexes : avant même que la chanson d’ouverture ne se termine, la cassette est éjectée et prête à être rendue le lendemain même.

Samedi après-midi, 15h, un an plus tard environ. Dans le salon, avec ses deux filles, ma mère retente l’expérience. Edward aux mains d’argent entre dans le champ, mi-monstre mi-Ken : un mélange indescriptible de beauté angoissée. Aux premières gouttes de sang, qui arrivent bien vite, ma sœur se met à pleurer dans son chocolat chaud et s’en va. Cette fois, trop captivée pour la retenir, ma mère la laisse faire, et nous regardons le reste du film ensemble. Moi aussi, Edward me faisait un peu peur, mais pour faire la grande j’étais prête à faire des sacrifices.

Des années plus tard, j’ai enfin vu "L’Étrange Noël de monsieur Jack" jusqu’au bout et revu plus que de raison "Edward aux mains d’argent". Pendant longtemps, ces deux films m’ont servi de films réconfort. Se sont ajoutés "Big Fish", "Les Noces funèbres" ou "Charlie et la Chocolaterie". Des films tous vus en salle. Tous avec ma mère. Peut-être est-ce pour cela que Burton occupe pour moi une place si familière ; il me rappelle l’époque des après-midi cinéma et il me rappelle ma maman qui, sans être une cinéphile affirmée, avait très bon goût.

Amande Dionne

Le goût du chocolat de Willy Wonka

Né en 1998, j’ai eu la chance d’avoir 7 ans lorsque "Charlie et la Chocolaterie" est sorti au cinéma. Déjà adepte du 7ème art, comment ne pas craquer face à une telle histoire et surtout comment ne pas s’y identifier ? Je rêvais de construire des architectures en bouchon de dentifrice et un jour j’espérais pouvoir entrer dans la chocolaterie de Monsieur Wonka. Avec l’âge, "Edward aux mains d’argent" a pris la place de Charlie jusqu’à ce que, progressivement, j’oublie ces films de mon enfance et leur réalisateur. De toute façon, à l’époque, Tim Burton avait le visage de Johnny Depp dans mon imaginaire et même si j’ai gardé longtemps un souvenir impérissable de ses œuvres cinématographiques, je n’en ai plus revu. Tim Burton était passé… Puis un jour, cherchant par hasard un film à regarder pour rêver un peu dans une soirée de réconfort, je me suis retrouvé nez-à-nez avec "Miss Peregrine". Quelle belle surprise de retrouver Burton à mon insu… À la fin du film, j’avais cette désagréable et immédiate nostalgie qu’on a à la fin d’un bon film : on ne pourra plus jamais avoir la chance de le voir pour la première fois ! Avec le festival Lumière, l’histoire reprend… Tim Burton est là et avec lui l’occasion de découvrir bon nombre de chefs d’œuvre de sa filmographie qui me sont encore inconnus.

Pour moi, les films de Tim Burton ont le goût des souvenirs d’enfance : sucrés et amers à la fois. Leur atmosphère sombre, dans un univers qui semble enfantin, fonde dès la jeunesse une idée de la vie et teinte notre âme de nuances. Burton est l’exemple même d’un réalisateur qui voit en tout âge une façon de comprendre les choses à sa manière, faisant de l’adulte un enfant et de l’enfant un adulte.

Adam Grassot

Tim Burton : particulier mais intemporel

Même s'il existe de nombreux réalisateurs dont on peut reconnaître la patte, je pense que Tim Burton fait partie de ceux à qui l'on pense en premier au vu de son style atypique qui a bouleversé le cinéma dès les années 80. Je mentirais si je disais que j'ai adhéré à son style dès ses premières sorties pour la simple et bonne raison que je n'étais pas encore née. Cependant, il a bercé plus que mon enfance : mes yeux d'enfants ont tout de suite accroché à "Charlie et la Chocolaterie", qui m'a fait rêver comme des millions d'autres enfants (et adultes) et aujourd'hui encore mes yeux d'adultes y prennent du plaisir. Non pas parce que c'est un des films qui a le plus marqué mon enfance mais bien parce que plusieurs lectures des films de Burton sont possibles, peu importe notre âge. Il a aussi ravi l'amatrice de littérature que j'étais, entre une allusion à Poe avec le court métrage "Vincent" et une adaptation de Dahl avec "Charlie et la Chocolaterie", Burton a toujours su emmener le spectateur dans un univers bien particulier avec des règles non conventionnelles qu'il prend bien soin de nous évoquer comme également avec "L'Étrange Noël de monsieur Jack". Il a également réussi à se faire accompagner – et ce pour plus de dix films ! – d'un acteur presque transformiste quand on voit la diversité des rôles qu’il a endossés : Johnny Depp, avec qui il forme à mes yeux un duo gagnant.

Elsa Carapet

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur

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