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BLANCHE-NEIGE ET LE CHASSEUR

Un film de Rupert Sanders

Trop facile

À la mort de son père, une jeune princesse à la peau blanche, aux cheveux noirs et aux lèvres rouge-sang fut mise au cachot par la Reine Ravenna qui a usurpé le trône. Dans ce monde où règnent les ténèbres et la magie, la Reine souhaite garder son éternelle jeunesse par tous les moyens. Elle engage un chasseur pour retrouver Blanche-Neige qui s’est échappée du château…

Pas facile de passer après la version de "Blanche-Neige" ("Mirror Mirror") de Tarsem Singh, sortie en avril dernier en France, même si cette nouvelle adaptation du conte des frères Grimm se veut « gothique » et donc bien plus sombre. D'autant que des enchaînements trop rapides font vite perdre en crédibilité ce film résolument orienté aventure et fantasy. Citons, par exemple, le moment où le fameux chasseur, devenu le protecteur de Blanche-Neige, s'éloigne du village lacustre et revient plus vite que l'éclair sauver son monde, alors qu'il est sensé être déjà loin. De même lorsque la princesse s'échappe et se perd en forêt, on s'étonne de la vitesse avec laquelle le chasseur réussit à la trouver pour la livrer initialement à l'ennemi : deux minutes montre en main... trop fort ce chasseur !

Et ce ne sont que quelques-uns des nombreux exemples qui donneront vite au spectateur la désagréable impression que le scénario et certaines scènes d'action ont été bâclés au profit d' un rythme imposé et d'effets spéciaux en tous genres, de la transformation de Ravenna en nuée d'oiseaux noirs (Raven signifiant corbeau en anglais), jusqu'à la représentation du miroir sous forme de silhouette humaine drapée dans un linceul doré, en passant par les nombreuses vues aériennes sur les châteaux torturés qui ponctuent le royaume... Ceci sans parler des drôles d'idées qui sous-tendent la réinterprétation des personnages du conte, comme le fait de choisir des acteurs que l'on sait pertinemment de stature « normale » pour interpréter les nains (Eddie Marsan, vu dans "Tyrannosaur" ou "La Disparition d'Alice Creed", Toby Jones, vu en Truman Capote dans "Scandaleusement célèbre", ou encore Bob Hoskins, Nick Frost et Ray Winstone). Comment arriver du coup à croire à leur petite taille, malgré le montage pourtant habile qui se déroule sous nos yeux ? Et que dire de l'introduction de ce double du prince charmant en la personne du chasseur, interprété ici par le transparent mais imposant Chris Hemsworth ("Thor") ?

La seule indéniable réussite du film est certainement d'ordre visuel, avec sa peinture de deux mondes opposés : une forêt maléfique, grouillante et menaçante, dans laquelle se perd la princesse, fraîchement échappée, et un monde des fées qui sert de repaire aux nains. D'un côté, on nous décrit des arbres dénudés et fantomatiques avec des branches qui vous enserrent, des tapis de champignons qui dégagent des gaz hallucinogènes, des multitudes de serpents, de rats ou d'insectes grouillants, le tout dans une semi-obscurité où chaque ombre devient une menace potentielle. De l'autre, on nous donne à voir un monde où les animaux se montrent aux humains, fraternisent avec eux, où les champignons ont des yeux et d'étranges fleurs ressemblent à des méduses, le tout baignant dans une lumière irréelle. Ces deux passages du film, bien trop courts, vous émerveilleront par leur richesse, trop peu exploitée...

Mais Rupert Sanders, dont c'est le premier film, préfère finalement, plutôt que de conforter ce brin d'originalité, emprunter à nombre de références prestigieuses pour construire une œuvre du coup inégale. Même les moins observateurs reconnaîtront quelques prises de vue du "Seigneur des anneaux" (ah qu'il fait bon marcher sur des crêtes en confrérie... d'autant qu'on a déjà des nains sous la main !) ou le pillage de l’œuvre de Miyazaki, avec l'apparition du cerf sacré, roi de la forêt, qui rappelle l'une des plus belles scènes de "Princesse Mononoké". Au final, on comprend finalement assez bien pourquoi le film n'est pas allé à Cannes.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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