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ABUS DE BOUQUINS : Paris, 100 films de légende

Paris est depuis toujours l’une des villes les plus représentées au cinéma, dans les films français comme dans de nombreuses productions étrangères. Cela méritait bien un beau livre pour rendre hommage au cinéma « made in Paris » – ou plutôt « set in Paris » puisqu’un récit se déroulant dans la capitale française peut aussi avoir été tourné ailleurs. Philippe Lombard, déjà auteurs de dizaines de livres sur le Septième Art, propose ainsi une sélection de 100 films ayant la « Ville Lumière » comme décor.

Certains connaissent peut-être les livres édités par Phaidon Press : "The Movie Book", "The Photo Book", "The Art Book"… L’ouvrage de Philippe Lombard reprend à peu près le même principe de contenu et de disposition : sur chaque page (ou ponctuellement en double page), une grande reproduction photographique complétée, en-dessous, d’un très court texte présentant l’œuvre en question (texte bilingue français/anglais dans le cas du livre de Lombard). On n’est donc pas dans le type de publication destinée à transmettre des savoirs détaillés mais bien dans la catégorie « beau livre », qu’il est agréable de feuilleter, d’admirer, de parcourir paisiblement...

Il y a tout de même quelques précisions intéressantes ou amusantes dans les brèves explications qui accompagnent les images, comme des anecdotes de tournage, une citation ou une particularité du film en question. En vrac, on peut apprendre par exemple (à moins de le savoir déjà) que Clouzot a observé la PJ in situ durant trois semaines pour préparer "Quai des orfèvres" ; qu’il y avait 250 boulons explosifs pour désarticuler la 2CV de Bourvil dans "Le Corniaud" ; que le projet initial des "Aristochats" prévoyait que l’histoire se déroule à Londres (notons au passage qu’il s’agit d’un des deux seuls films d’animation dans le livre avec "Ratatouille") ; qu’un immense miroir prolongeait les deux étages de l’immeuble du "Locataire" reconstitué dans les studios d’Épinay ; que c’est le palais des Ducs de Savoie à Nice qui a servi de décor pour l’Élysée dans "La Malédiction de la Panthère rose" ; que le saut en parachute depuis la tour Eiffel dans "Dangereusement vôtre" a été réalisé par un champion du monde de chute libre mais que c’est bien le jeune Ludwig Briand, et non une doublure, qui est assis au bord du vide dans "Un Indien dans la ville"…

Le livre s’ouvre également sur un texte plus long – une page d’introduction – qui explique la démarche de l’ouvrage en rappelant l’importance et la longévité des liens que le cinéma a tissés avec Paris, depuis la première projection publique du cinématographe en 1895, ou encore la façon dont certaines scènes sont entrées dans la mémoire collective et populaire.

© Parigramme (couverture) © Raymond Cauchetier / Les Films du Carrosse / Sédif Productions (photo incluse)

Outre l’intérêt esthétique, ce genre de compilation a également pour vocation de suggérer des films à voir ou à revoir, ou de nous replonger dans des souvenirs personnels liés à la découverte de certains longs métrages, quel que soit notre niveau de cinéphilie. Comme toute liste ou tout classement, il y a aussi matière à s’interroger sur les choix faits par l’auteur. Et sans polémiquer (car ce serait stérile et idiot), on a parfois de quoi s’étonner. Malgré tout le respect que l’on doit à la subjectivité de chacun ou chacune, on peut évidemment être intrigué par la mention de certains films comme "Rush Hour 3" ou "Seuls Two" : le qualificatif « légende » proclamé par le titre du livre peut-il vraiment être appliqué à de tels longs métrages ?

De même, on peut être surpris par la sélection d’un film comme "Le Dernier Tango à Paris" : certes, le film se déroule à Paris et le déclare ouvertement dans son titre, mais que voit-on vraiment de la ville dans cette histoire qui est avant tout un huis clos dans un appartement ? Et quitte à opter pour ce film, pourquoi ne pas l’avoir illustré avec un plan de la scène sur le pont de Bir-Hakeim plutôt qu’un photogramme de l’intérieur qui ne montre que très superficiellement le logement concerné ? Le même constat dans le choix iconographique se pose pour d’autres vues, souvent intérieures et généralement plus centrées sur les personnages que sur le décor parisien. Deux cas sautent aux yeux : quand l’on constate que les illustrations pour "Belle de jour" et "Henry & June" exposent la nudité respective de Catherine Deneuve et de Maria de Medeiros, chacune sur un lit, on peut s’interroger sur la pertinence du choix en lien avec la thématique de l’ouvrage.

Mais ne boudons pas notre plaisir, car il est réjouissant de déambuler au fil des pages, à travers les vues diverses de Paris, réalistes ou non, lumineuses ou sombres, dramatiques ou joviales… Du "Fantômas" de Louis Feuillade (1913) à "Holy Motors" de Leos Carax (2012), on explore ainsi un siècle de Septième Art, passant par des styles très divers : "Hôtel du Nord", "Drôle de frimousse", "À bout de souffle", "Les Tontons flingueurs", "Paris brûle-t-il ?", "Peur sur la ville", "Subway", "Chacun cherche son chat", "Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain" ou encore "Inception". En bref, un beau livre pour une adorable promenade cinématographique depuis le fond de son fauteuil.

Informations

Références bibliographiques : Philippe Lombard, "Paris, 100 films de légende", éditions Parigramme, 2018.

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur