INCEPTION
Un hold-up mental qui retourne le cerveau !
Dom Cobb travaille dans le domaine de l’extraction: l’art de s’infiltrer dans les songes d’individus afin retrouver leurs secret les plus inavouables, enfouis dans leurs subconscients. Sa dernière mission se solde malheureusement par un ratage complet. Au pied du mur, Cobb se voit attribuer un challenge: plutôt que d’extraire un secret, on lui propose de semer une idée dans l’esprit d’un jeune héritier. C’est ce que l’on appelle l’inception…
Le prodige d'Hollywood est de retour. Après deux films de studio ("The Dark Knight" et "Le Prestige") frôlant la perfection narrative, Nolan dévoile enfin sa création la plus personnelle, celle qu'il a écrite et imaginée seul pendant près de dix ans. Admettons-le tout de suite, même s'il ne dispose pas de portées symboliques aussi puissantes et tragiques que celles de ses deux précédents métrages, "Inception" demeure une œuvre de science-fiction majeure, soufflant au passage toutes les productions similaires de la dernière décennie.
Je prendrais soin de ne point vous en dévoiler plus que le pitch. L'intérêt est aussi de se faire initier aux règles du monde des songes par Cobb et ses acolytes. L'univers est complexe, certes, mais Nolan nous a prouvé, de "The Following" à "The Dark Knight", à quel point il savait jouer avec la narration. Il n'omet aucun détail. Il a pensé à chaque petite question qui peut trotter dans notre tête après une nuit de songes agitée. Chaque interrogation que l'on peut se poser trouve sa réponse avec une évidence limpide. Ses conceptions du rêve, de l'inception et des techniques d'infiltration sont solides et sans failles. Et voilà un blockbuster qui ne nous prend pas pour des dindons et qui fait réfléchir! Les petits malins qui croiront avoir tout compris du premier coup feraient bien de s'y reprendre à deux fois car, malgré les nombreuses balises posées par Nolan, celui-ci prend le soin de disséminer subtilement de nombreux indices qui pourraient laisser libre court à une poignée de théories foncièrement différentes.
Les références sont nombreuses mais sans pour autant être trop appuyées. On pense à Philip K-Dik, "Dark City", "Matrix", "Total Recall" le tout matiné d'un peu d'"eXistenZ". Ca, c'est pour le coté S.F. Car la grande force du réalisateur est d'éviter de se cantonner à un genre délimité par des codes. A la place, il les mélange adroitement en sélectionnant avec discernement ceux qui seront le plus en phase avec son script. Avec "The Dark Knight", il nous avait servi un brillant "Heat" avec des super-héros. Avec "Inception", on a droit à un "Ocean's Eleven" dans les méandres du subconscient. C'est là d'où vient tout son art du divertissement à travers des thématiques aux puissantes résonances.
Techniquement, la maitrise est constante, sauf peut-être pendant les scènes d'action. Bien qu'elles soient un peu plus lisibles que dans les Batman, celles-ci ne sont toujours pas le point fort du réalisateur britannique. Qu'importe, l'ambition visuelle est à la hauteur des moyens mis en place. Nolan a l'intelligence de préférer les effets spéciaux mécaniques aux numériques, et de tourner dans de véritables espaces plutôt que sur fond vert. Cela se ressent et les distorsions de l'espace prennent toutes leurs dimensions. Absolument renversant!
Reste le gros bémol du film: le traitement des personnages. La relation entre Cobb et Arthur aurait mérité plus de subtilité. Joseph Gordon-Lewitt, tout comme Ken Watanabe, dans un rôle pourtant intéressant de commanditaire ambigu, se retrouvent sous exploités. En revanche, les personnages d'Ellen Page et de Marion Cotillard demeurent intéressants même si la française s'apparente plus à un ressort visant à mettre en exergue le déchirement émotionnel du personnage de Cobb qu'à un véritable protagoniste. DiCaprio est crédible en héros torturé mais bien moins impressionnant que dans les films de Scorsese. On est loin de sa performance de "Shutter Island". C'est plutôt Tom Hardy, la valeur montante de l'Angleterre, qui tire le mieux son épingle du jeu parmis les seconds rôles. Sa composition de faussaire délicieusement hardi et assuré insuffle un soupçon de légèreté qui contraste avec la grave et omniprésente partition d'Hans Zimmer.
En somme, s'il ne s'agit peut-être pas du meilleur Nolan, on peut se réjouir de voir un blockbuster suscitant autant de divertissement que de production cognitive. En laissant les voies ouvertes aux explications les plus tordues et machiavéliques, "Inception" pourrait bien se bonifier au fil des visionnages…
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur