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ROSALIE

Afficher sa différence

Début des années 1870, Rosalie est emmenée par son père, pour un mariage arrangé avec Abel, un tenancier de café qui, s’il ne cache pas qu’il est intéressé par la dot, pour éponger ses dettes, n’envisage pas une vie sans enfant. Même si celui-ci sait qu’il y a quelque chose qu’elle ne dit pas et qu’elle-même semble hésiter lorsque le prêtre dit qu’elle va « vivre avec lui dans la vérité », l’union a lieu sans encombre. Mais lors de leur première nuit ensemble, Abel découvre sur le corps de Rosalie, les nombreux poils qu’elle s’évertue pour une part, à raser tous les jours…

Le second long métrage de Stéphanie Di Giusto, réalisatrice de "La Danseuse" commence avec une jeune femme qui fait des cauchemars, mais caresse doucement la photo d’un soldat, en priant pour qu’il l’aime. Car d’amour et de désir d’être soi-même, il sera avant tout ici question dans cette histoire, en partie inspirée de la vie de Clémentine Delait, femme atteinte d’hirsutisme connue au début du XXe siècle et d’autres cas retrouvés par la metteuse en scène. "Rosalie" séduit ainsi par l’aplomb et la luminosité de ce personnage de femme à la pilosité hors normes, interprété par Nadia Tereszkiewicz (découverte dans "Les Amandiers" de Valeria Bruni Tedeschi, puis vue notamment dans "Mon Crime" de François Ozon), dont la féminité n’est jamais prise en défaut. Décidant de mettre en avant sa pilosité, comme une curiosité qui peut se monnayer, elle va se laisser pousser la barbe, s’autorisant à tenter d’être elle-même.

En cela le film surprend, car les histoires de femmes à barbe ont en grande majorité été traitées sous l’angle de destins tragiques, cantonnés à des cirques ou des foires, où celles-ci étaient exhibées telles des créatures repoussantes ("La Caravane de l’étrange", "American Horror Story" côté séries, "Freaks" côté cinéma...). Et comme le souligne la première réaction d’un des clients du café de son mari (« tu es très jolie Rosalie »), la singularité n’est pas forcément synonyme d’effet répulsif. Le personnage devient alors symbole de courage et d’acceptation de la différence, au travers d’un récit qui vire à la comédie dramatique, mais n’évite pas de confronter le personnage à ceux qui la désirent (le patron rigide de l’usine de blanchisserie, à la limite de l’archétype, interprété par Benjamin Biolay) ou qui restent bloqués dans leurs visions étriquées de la femme ou leur haine instinctive de toute différence.

Le personnage joué par Guillaume Gouix, s’avérera ainsi au final bien plus trouble que celui du patron calculateur, mais il aurait sûrement mérité d’être un peu plus développé. Décrivant les rouages d’un harcèlement progressif, en parallèle au rapprochement physique du couple, Stéphanie Di Giusto utilise avec intelligence les parallèles entre ses deux personnages, mis au banc de la société pour des raisons différentes (lui est un ancien militaire revenu d’une Guerre sur laquelle on ferme les yeux…), cachant leurs corps (lui pour ses cicatrices et ce corset qui finalement le rapproche d’elle…). Résolument romanesque et romantique, "Rosalie" réserve finalement le concept de « créature donnée en spectacle », à un ponctuel cauchemar de l’héroïne sur la fin du film, s’imaginant confrontée à une salle vide, symbole du rejet qu'elle redoute tant. Ceci avant de nous emmener vers une fin plus ouverte que prévu. Saluons en tous cas aussi bien la qualité de la reconstitution que la finesse de l'interprétation, et surtout un tact réel dans le traitement de la particularité de cette femme, depuis la crédibilité de l’apparence du personnage (les poils étaient collés un à un chaque matin sur le corps de l’actrice) jusqu’à l’intimité d’un couple qui parvient à apporter une réelle émotion.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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