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JE TREMBLE Ô MATADOR

Un film de Rodrigo Sepúlveda

Une étincelle dans l’obscurité

Chili, 1986. Un travesti vieillissant, qui n’a pas de nom, recueille Carlos, un mexicain révolutionnaire fraîchement revenu de Cuba, qui l’a aidé. Celui-ci lui demande de conserver pour lui des cartons contenant des supposés livres d’art et des dessins de valeur. Entre eux s’engage alors une relation ambiguë, alors que Carlos l’implique dans l’opération qu’il prépare…

Je tremble ô Matador film movie

Présenté en 2020 dans le section Giornate Degli Autori du Festival de Venise, le nouveau long métrage de Rodrigo Sepúlveda Urzúa ("Aurora" et "Padre nuestro") a eu un long parcours, de festival en festival avant de trouver enfin aujourd’hui le chemin des salles. Passé par le Festival Cinélatino de Toulouse en 2021, "Je tremble Ô Matador" a aussi été vu aux Reflets du cinéma ibériques et latino américains de Villeurbanne 2021. Venu du Chili, le film est une adaptation pleine d’empathie de l'unique roman de Pedro Lemebel et est porté par l’acteur en vogue du moment, Alfredo Castro ("Santiago 73, Post Mortem" de Pablo Larrain, "Blanc sur Blanc"), qui trouve ici l’un de ses rôles les plus ardus. La lucidité et l’amertume derrière l’apparente fantaisie de son personnage, en font un monument d’humanité.

En quelques scènes, Rodrigo Sepúlveda pose les bases de la relation ambiguë qui se nouera entre les protagonistes, ainsi que des éléments de contexte social. Alors que se déroule dans un club un spectacle transformiste, une descente de police a soudain lieu, obligeant le travesti à fuir dans une ruelle. Aidé par un inconnu, Carlos, il accueille celui-ci chez lui, dans la maison délabrée dans laquelle il a dû s’installer suite au récent tremblement de terre. Une décision qu’on devine autant due à son attirance pour ce bel étranger barbu, qu’à sa gratitude. C’est sur l’évolution de cette relation, entre aspects intéressés (Carlos demande de cacher des soi-disant livres d’arts dans la maison du travesti…) et élans de tendresse non maîtrisés, que le metteur en scène va se concentrer, avec en toile de fond les événements sociaux politiques liés à cette période des années 80, marquant un tournant dans la dictature Pinochet, où la répression n’est pas encore à son comble.

"Je tremble Ô Matador", du nom d’un code secret entre les deux personnages, se nourrit de contrastes, entre le dangereux monde du jour et celui de la nuit où s’est réfugié le travesti, entre un tissu social fait d’entraide et une dictature où se réveillent quelques voix au travers des manifestations pour retrouver des disparus, entre un moment de complicité à la campagne et un contrôle de police tendu… Des contrastes que l’on retrouve aussi entre les deux personnages, mais aussi entre le devoir politique inflexible de l’un et une proximité comme des inclinaisons auxquelles il semble hésiter à se laisser aller. Film crépusculaire intimiste autant que d’espionnage, le film livre un double portrait à la fois poétique et douloureux, tout en rendant hommage à une double forme de clandestinité.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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