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LE GARÇON ET LE HÉRON

Un film de Hayao Miyazaki

Choisir l’imparfaite humanité

La Seconde Guerre Mondiale dure depuis 3 ans lorsqu’un immense incendie dans le centre de Tokyo, prive le jeune Mahito, 11 ans, de sa mère. Face au danger grandissant, son père et lui vont se réfugier à la campagne, où celle-ci a grandi. Là, il est accueilli par Natsuko, enceinte, qui dit qu’elle sera « sa nouvelle mère », dans une grande demeure, au bord d’un étang. Un héron cendré, habitué des lieux et supposé sauvage, ne cesse alors de l’approcher…

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Il aura donc fallu 7 à Hayao Miyazaki, créateur du Studio Ghibli et réalisateur des films d'animation cultes "Le Voyage de Chihiro", "Princesse Mononoké", "Le Château dans le ciel" ou "Le Château ambulant", pour venir à bout de son nouveau long métrage, alors que son précédent, "Le Vent se lève" (2014), était censé être son dernier. Bien lui en a pris, puisque "Le Garçon et le héron" est un film existentiel, aussi passionnant que par moments déroutant, qui face aux difficultés de la vie, prône l'engagement dans celle-ci, et le choix d'une humanité certes imparfaite, plutôt que d'un passé retrouvé où le mal serait éradiqué. S'inspirant du roman "Et vous, comment vivrez-vous ?" de Genzaburo Yoshino, datant de 1937 (un livre que Miyazaki se serait vu offert par sa mère), le film, dont le titre original est justement "Comment vivez-vous", questionne un jeune homme au bord de l'adolescence, tout comme l'audience, sur sa capacité à affronter le monde et à œuvrer pour un moment meilleur, malgré toute la difficulté que cela peut représenter.

Totalement dénué de promotion (même pas une bande annonce) lors de sa sortie au Japon en juillet dernier, le film a été un carton au Pays du Soleil levant, et a été montré en ouverture du Festival de San Sebastian puis au Festival Lumière pour sa première française. Il faut dire que l'intrigue est emplie de mystères comme rarement chez l'auteur, qu'il s'agisse des agissements de ce héron habité par un autre être, de cette tour envahie par la végétation et dont les entrées sont murées ou éboulées, ou des actes de cette femme l'accueillant (sa tante), qui apparaît vite comme un troublant double de sa mère. Ajoutez à cela une dose de sorcellerie, nombre d'esprits, démons, et autres incarnations étranges, plus ou moins inspirées du folklore local, et l'imagination des fans sera titillée avec efficacité, entre portes magiques, perruches guerrières, poisson géant, les amusants wara wara, ou hordes de crapaud et pélicans plus ou moins possédés.

Mais du point de vue graphique le film, globalement dans la lignée des autres Miyazaki, atteint des sommets, dans sa représentation des flammes (l'incendie du début semble littéralement déchiqueter les corps… évoquant forcément indirectement « la bombe »), répondant à une scène clé où des bandelettes auront finalement le même effet. Derrière les aspects fantastiques, la belle partition de Joe Hisaishi, les quelques moments poétiques, se dévoile peu à peu un discours sur la naissance dans un monde imparfait et le choix de vivre tout de même dans celui-ci. Car les volontés d'éliminer toute malveillance chez l'Homme dépendent finalement plus de la manière de vivre de chacun, plutôt que d'une attitude dirigeante autoritaire et finalement destructrice. Un film sans doute très personnel pour Miyazaki, qui semble transcrire ici sa propre philosophie de vie, qui en réalité traverse un peu tous ses films.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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