NINJA TURTLES : TEENAGE YEARS

Un film de Jeff Rowe, Kyler Spears

Pizza sans olives

De leur naissance sous l’effet d’une substance chimique jusqu’à leur apprentissage de l’art ninja sous la houlette du rat mutant Splinter au fin fond des égouts, les Tortues Ninja s’efforcent de faire respecter l’ordre et, par la même occasion, de se faire connaître aux yeux des habitants de New York. Leur rencontre avec la journaliste April O’Neill et une armée de créatures mutantes va leur donner du fil à retordre dans leur combat contre un puissant syndicat du crime…

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Il n’y avait aucune raison apparente de s’attendre à une réussite. Quand bien même le résultat sentait encore la peinture fraîche pour cause d’effets spéciaux inachevés et de character designer en chantier, la copie de travail de cet énième reboot des Tortues Ninja, présentée en avant-première mondiale au dernier festival d’Annecy il y a deux mois, exhibait déjà tant de scories narratives et comiques que l’essentiel semblait avoir déjà pris racine sur l’écran. Sans aucune surprise, la version définitive du montage ne répare strictement en rien les dommages faits à nos chevaliers d’écaille et de vinyle. Tant et si bien que l’on préférera toujours se remater la trilogie live d’origine, ou même la production Michael Bay sortie il y a quelques années, en l’état infiniment plus fun et plus respectueuse. Au fond, faire le tour du résultat pourrait se résumer en une seule phrase : un scénario calqué sur "Avengers" dans un décalquage intégral du visuel de "Spider-Verse" sur fond d’un humour que n’auraient pas renié les spectateurs de sitcom KD2A. Oui, ça fait déjà peur en soi.

La déconfiture est constante face à ce qui n’est rien d’autre qu’un pur produit opportuniste, singeant les modes du moment en oubliant de se dénicher une quelconque singularité et d’honorer son matériau de départ. Et ce dernier, parlons-en, justement : nos quatre tortues mutantes, héros d’enfance pour des générations entières, exhibent ici un tempérament et un QI de maternelle, et en avoir fait des adolescents pour cause d’origin story n’excuse en rien la lourdeur comique dont fait preuve ici le duo gagnant de "SuperGrave" (Seth Rogen et Evan Goldberg). Par respect pour le personnage, on taira le traitement honteux réservé à la journaliste April O’Neill, mais on signalera juste que le terme « gourde » et les gags à base de vomi prennent ici un relief encore plus pénible qu’avant. Confronter toute cette smala mal dessinée à une troupe de créatures mutantes (du genre que les fans vont reconnaître illico comme d’authentiques antagonistes) aboutit en outre à la pire idée qui soit : la quête identitaire attendue se mue fissa en éloge du groupe et de la « famille » (pitié, ça suffit…) qui organise la réunion des freaks contre un ennemi commun. La philosophie Marvel a décidément valeur de virus prompt à se propager partout…

L’idée de revenir au graphisme crado qui caractérisait le comics original justifiait l’aspect patchwork de l’animation, mais en aucun cas d’aboutir à une bouillie visuelle, souvent à la lisière du lisible en dépit d’une caméra logiquement sujette aux loopings – la comparaison avec "Spider-Verse" est à ce titre particulièrement fatale. C’est presque un miracle si la bande-son – signée Trent Reznor et Atticus Ross, tout de même ! – réussit à nous sortir de la léthargie. Pour résumer, la pizza sent le moisi, les ingrédients les plus goûtus ont tous foutu le camp, et on a bouffé les olives pour ne nous laisser que les noyaux. Bon appétit (et bon courage) à tous ceux qui voudront tenter la dégustation.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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