COMME UN LUNDI

Un film de Ryo Takebayashi

In the Loop in the Office

Un événement terrible se met à surgir au sein du quotidien de Yoshikawa et de ses collègues de travail : une boucle temporelle les contraint à recommencer la même semaine de travail, du lundi au dimanche, au sein de leur entreprise de publicité à Tokyo. Il leur faut désormais trouver le moyen d’en sortir, tout en s’efforçant de tenir leur planning de travail et de répondre à tous leurs rendez-vous professionnels…

Les itérations du fabuleux concept d’"Un jour sans fin" se suivent et se ressemblent (presque). Et au fond, ce n’est pas si difficile de s’y faire tant le concept reste idéal pour stimuler l’esprit et l’intellect pendant une heure et demie. De la même manière que le récent et jubilatoire "En boucle" de Junta Yamaguchi, la boucle temporelle installée par Ryo Takebayashi n’en rate jamais une pour installer de nouvelles surprises narratives au sein d’un concept dont la grande nouveauté réside désormais dans l’élargissement de son « cobaye » (un groupe d’individus et non plus un seul personnage) et de sa durée d’action (la boucle ne concerne plus un jour mais une semaine). Mais le gros « plus », ne le cachons pas, vient très clairement de son contexte : une petite entreprise de publicité nippone dont les employés triment presque autant que des candidats au suicide chez France Télécom, tandis que le patron, alors à l’aube de la cinquantaine, peine à trouver le moyen de motiver ses troupes.

Loin de s’assimiler à un épisode de "The Office" rebouclé sur ses propres paramètres de champ social et de schématisation libérale, "Comme un lundi" tord surtout en beauté la problématique « métro, boulot, dodo » en enfermant son petit corpus de salariés dans un temps rebouclé qui les contraint moins à trouver l’explication rationnelle de ce phénomène qu’à tâcher de finaliser coûte que coûte un travail en cours et/ou à réaliser un rêve secret. Soit la parabole directe de nos espaces de formatage libéral à l’échelle contemporaine, où la valeur du travail tend à se définir uniquement par la faculté de tout un chacun à mener une tâche à son terme, sans quoi le temps ne fait que répéter son éternelle progression schématique. C’est à partir de ce constat-là que Ryo Takebayashi s’en donne à cœur joie pour installer une contre-attaque face à chaque nouvelle situation de stress, chacun des personnages usant ainsi de chaque nouvelle boucle pour étirer la résolution de ses propres soucis de planning sur une durée optimale. Il en va de même lorsqu’il s’agit de convaincre autrui de s’extraire de sa propre boucle existentielle – fou rire garanti devant la scène de la présentation PowerPoint ! Mais forcément, une fois que l’individu a trouvé le « truc » et chopé la bonne rythmique, la valeur du groupe revient au grand galop à mi-chemin, embrayant alors le récit sur une voie clairement humaniste et fédératrice.

Si l’on voulait se la jouer cinéphile exégète, on pourrait presque croire que c’est un cousin nippon de Brad Bird qui a réalisé "Comme un lundi". Parce que le fil directeur thématique de la filmo du brillant réalisateur des "Indestructibles" répond ici pleinement à l’appel, soulignant la possibilité de contrecarrer la marche funèbre du monde (en l’occurrence un torrent de rêves brisés et une forte propension à vivre pour travailler) par l’union d’individus qui associent leurs forces. Dans un pays comme le Japon qui compte toujours le plus haut taux mondial de suicides par an et où la réussite sociale est un gage de survie si ancré dans la psyché locale qu’il tend à activer une guerre totale entre les individus (revoyez "Battle Royale" pour en toucher du doigt la lecture symbolique), cet éloge du collectif, visant à se débarrasser du masque de l’individualisme pour se reposer sur son prochain, apparaît des plus pertinents. D’autant plus que l’imaginaire – en l’occurrence celui suscité par une forme de création artistique archi-populaire dans le monde entier – se voit ici mise à l’honneur pour inviter chacun à traiter sa propre vie comme un palimpseste constant, où tout se réécrit pour le mieux. En matière d’échos sociologiques dignes de ce nom, voici donc de bonnes nouvelles.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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