BLUE ET COMPAGNIE
Une profusion de couleurs pour conter les bleus à l’âme
Du jour au lendemain, la jeune Bea se rend compte qu’elle peut désormais voir les amis imaginaires de tout le monde. La voilà embarquée dans une aventure hors-du-commun pour reconnecter ces compagnons oubliés à leurs anciens inventeurs…
Des images au camescope. Une famille heureuse, rieuse, dansante. Et tout d’un coup, le drame. Puis la possibilité d’un autre. Dès son ouverture, "Blue & Compagnie" pose en quelques plans les fondations de sa fable : la magie pour oublier les peines du quotidien, l’arrivée d’un être fantastique pour surmonter une épreuve d’apparence impossible. Ces quelques lignes ont probablement un goût de déjà vu pour la plupart d’entre vous. Il faut dire que ce nouveau film de John Krasinski (plus habitué aux frissons qu’à l’émotion, avec sa saga "Sans un bruit") s’appuie énormément sur les mécaniques de ses prédécesseurs, assumant complètement les similarités pour en jouer (au point où Paramount France a transformé le titre original "IF" en une référence directe à "Monstres & Compagnie"). Ainsi, l’immeuble au centre de l’intrigue vous fera penser aux hôtels Disney, certains personnages au monde de "Shrek", la construction du récit à un hommage appuyé à Steven Spielberg (pas pour rien que la photographie est signée Janusz Kamińsk, collaborateur régulier de ce dernier). Et la liste des inspirations pourrait continuer longtemps, de "Vice versa" au plus récent "Rouge", en passant par "Coco".
Alors qu’est-ce-qui différencie cette production des précédentes ? Pas grand-chose… Ce qui constitue à la fois sa principale qualité et son plus grand défaut. Car en optant pour une histoire banalisée, les enfants pourront immédiatement se projeter dans ce nouvel univers, y trouver tout de suite des figures et des schémas familiers bien qu’il s’agisse d’une œuvre originale. Mais le métrage se retrouve grandement limité dans son ambition, déroulant sa trame narrative de manière convenue et attendue, refusant la moindre prise de risque ou tentative d’originalité. Évidemment, le film se veut aussi interprétable sur plusieurs niveaux de lectures, insistant sur le fait que les adultes d’aujourd’hui sont les gamins d’autrefois, et qu’il y a du bon à s’en remémorer, à se rappeler ses rêveries juvéniles pour ne pas oublier la personne que nous sommes. Certes, mais est-ce que cela méritait véritablement presque deux heures pour l’expliciter ?
Si le résultat est un peu décevant, au vu du génie comique de Ryan Reynolds et du casting vocal impressionnant (Phoebe Waller-Bridge, Steve Carell, Matt Damon, Bradley Cooper, George Clooney, Emily Blunt pour ne citer qu’eux), tout n’est pas à jeter, en particulier la générosité avec laquelle l’interprète de "Deadpool" se plie en quatre pour faire rire les plus jeunes. Oubliant toute forme d’ego, sa seule prestation ne semble avoir qu’un seul but : amuser nos bambins, proposer un spectacle où l’obsession d’émerveiller est palpable à chaque seconde, sur chaque détail à l’image. Et à ce titre, le pari est réussi, ces personnages animés s’intégrant parfaitement dans cet univers en prises de vues réelles, pour nous offrir un show haut en couleurs, indéniablement bancal mais toujours divertissant. Alors peut-être qu’il est temps pour nous aussi de renouer avec notre âme d’enfant, d’oublier notre taux de diabète pour s’empiffrer de cette guimauve dégoulinante, et de nous laisser emporter par ce charme d’une autre époque. Au pire, on finira avec quelques maux de ventres, et probablement la larme à l’œil.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur