SPIDER-MAN : ACROSS THE SPIDER-VERSE
Spider-Man vu par Terminator 2
Désormais le seul et l’unique Spider-Man de New York, Miles Morales essaye tant bien que mal d’allier sa vie personnelle et ses nouvelles activités de justicier. Mais au fond de lui, il se sent terriblement seul. C’est alors que Gwen Stacy refait surface dans sa vie et l’entraîne dans un monde dont il ne connaît alors que la surface : le Multivers…
Arrivé en Décembre 2018 dans nos salles hexagonales, "Spider-man : Into the Spider-Verse" (intitulé chez nous "Spider-man : New Generation") avait tout du projet mercantile et casse gueule. Encore une origine story du personnage, encore de « grands pouvoirs qui impliquent de grandes responsabilités », encore et toujours de l'homme araignée. Depuis sa création en 1962 par Stan Lee et Steve Ditko, le super-héros le plus populaire a connu moult variations et adaptations depuis le "Spider-Man" de Sam Raimi en 2001. Après une trilogie, un diptyque-reboot et une nouvelle trilogie made in Marvel (sans compter les jeux vidéos sortis sur PS4 et PS5), le tout en moins de 20 ans, nous étions en droit de douter de la légitimité d'un tel projet.
Et surtout, que pouvait-il apporter de plus, alors que la gentille araignée de quartier avait été lessivée de toute part jusqu'à en perdre sa substance. Et contre toute attente ce premier volet en animation a convaincu autant la presse que les spectateurs, à tel point qu'il repartira avec l'Oscar du meilleur film d'animation. Le film avait eu la bonne idée de prendre en compte l'importance de ce personnage au sein de la culture populaire et de s'amuser avec l'idée de ses différentes versions, que ce soit au cinéma par le passé ou dans l'univers dense des comics. Le tout saupoudré d'une maestria visuelle combinant différents types d'animation et d'une écriture de personnages touchante et intéressante malgré notre connaissance anticipée des ficelles.
Et nous ne pouvons pas parler de ces films sans parler du génial duo derrière ce projet : Phil Lord et Christopher Miller. Inséparables depuis leur rencontre sur le plateau d'une série, ils se sont fait remarquer grâce à leur ton décalé, absurde, ainsi qu'un vrai regard sur la « pop-culture ». On leur doit le diptyque "21 Jump Street" ainsi que sa suite "22 Jump-Street" et le formidable "La grande aventure Lego". Ils nous avaient alors déjà prouvé leur appétence pour une vision méta qu'ils portent dans leurs productions et une qualité d'écriture indéniable qui aurait fait sombrer le film Lego dans une pure démarche commerciale s’ils n'avaient pas été à bord du projet. Fort heureusement pour nous, leur plume fait toujours des miracles. Et cette fois on sent une envie de s'amuser avec le concept de suite : au lieu de s'ouvrir sur Miles Morales et son quotidien, ici c'est Gwen Stacy qui démarre le film. Une introduction tout en couleurs pastels, nous montrant l'héroïne et ses traumas. On en vient à penser alors à la structure de "Terminator 2" de James Cameron qui reprenait les scènes du précédent dans leur aspect, mais en les détournant avec un nouveau regard, une nouvelle idée, une ambition revue à la hausse. C'est peut être là finalement la vraie force d'une suite ; se sentir en terrain connu, mais en renversant le point de vue, en extrapolant les situations et en creusant d'avantage les personnages grâce à l'existence au préalable de ceux-ci dans un volet qui le précède.
Ce nouveau volet nous embarque alors dans une aventure trépidante, en compagnie d'autres variations du personnage toutes aussi attachantes, intrigantes et drôles, les unes que les autres. Le film ne s'interdit pas quelques clins d’œil, mais jamais ils ne perturberont la vision du film par un néophyte. Ou comment s'amuser avec l'idée de fan service avec intelligence, toujours au service de l'histoire. La patte graphique évidemment est à souligner, tant le travail des diverses textures, couleurs et idées de mise en scène nous submerge pendant presque deux heures et demie. Une générosité folle qui a pour seule conséquence de donner trop d’éléments auxquels on doit faire attention (les environnements, les détails de mouvement, les divers styles d'animation mélangés).
A force d'être sollicité de toutes parts, c'est le scénario qui parfois en pâtit. Une information dans un dialogue peut vite être loupée, à force de stimuler autant le spectateur, et cela empêche parfois de bien comprendre les motivations de certains personnages. De plus, sa volonté d'être la première partie d'un diptyque (la seconde partie est prévue pour 2024) joue en sa défaveur. Lors d'une deuxième partie plus intimiste qui nous rappelle "Retour Vers le futur 2" de Robert Zemeckis (dans le changement de présent de Miles Morales), le film délaisse certains de ses enjeux (notamment le méchant en devenir, La Tâche, grande surprise du métrage) qui ne seront évidemment que traités dans le prochain volet. D'où une sensation un poil frustrante quand le « to be continued... » arrive à l'écran. On aboutit ainsi à la désagréable sensation d'avoir là un épisode de transition et d'exposition pour la partie 2. Nous serons alors plus à même d’émettre un avis complet sur le film, vu que sa nature même l'empêche de totalement fonctionner tout seul.
>On ne cachera pas non plus notre impatience de découvrir la suite tant le travail accompli est de qualité et bien au-delà des standards actuels des blockbusters super-héroïques. Le film prouve qu'avec une bonne écriture, de bonnes raisons de production et une réelle vision, le concept de « Multivers » au sein du genre peut être traité de façon intelligente et non pas paresseuse et dépourvue d'identité. La saga de Marvel version live devrait en prendre de la graine.
Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur