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VIAJE

Une approche délicate de l’éloignement

La jeune Leonor a pris la place de sa mère, Estrella, dans un atelier de couture. Toutes deux cohabitent dans l’appartement familial. Mais Leonor se sent coincée et sans perspective. Elle décide d’accepter un travail de nourrice à Londres, afin d’apprendre l’anglais, mais n’ose pas dire à sa mère qu’elle va partir…

Viaje film image

Celia Rico Clavellino, dont c’est le premier long métrage, réalise avec "Viaje", un film sur la complicité entre mère et fille, une relation nécessairement mise à mal par le nécessaire départ de cette dernière, à la recherche de sa propre voie et d’un avenir meilleur. Trempée dans un contexte de travail précaire post-crise de 2008 que beaucoup de jeunes espagnols ont eu à subir ces dix dernières années, le scénario, au-delà de la question de l’exil, pose celle de la gestion de l’éloignement, et pour la mère, celle d’un recentrage sur sa propre existence.

"Viaje" se pose ainsi en récit délicat d’une prise de distance qui signifiera pour chacune une renaissance : celle d’une jeune femme coincée dans une routine sans issue, et celle d’une mère qui se redécouvre femme. La transformation de la formidable Lola Dueñas ("Les amants passagers", "Les femmes du 6e étage", "Angèle et Tony") au fil du récit est d’ailleurs subtile mais marquante, et sa prestation lui aura valu une nomination au Goya de la meilleure actrice en 2019. Également nominée en second rôle, c’est finalement Anna Castillo ("L’olivier") qui marquera le plus les esprits, chaque détresse, interrogation, espoir, ou joie pouvant se lire dans son regard ou se percevoir dans un geste savamment étudié.

Côté mise en scène, Celia Rico Clavellino décrit un intérieur typique d’un appartement sans chauffage, qui semble figé dans le temps. Avec finesse, elle caractérise le lien entre les deux femmes au travers de choses simples, de cette télé depuis laquelle on les observe, lovée sur un canapé avec un poêle sous la table basse, à leurs deux chambres, séparées par un couloir. Filmant d’abord le point de vue de la fille, inquiète, observant les attitudes de sa mère, puis le vide de la chambre de la fille, depuis celle de la mère restée seule, elle utilise les portes et encadrements comme des symboles de leurs états d’esprit. Celia Rico Clavellino, qui a obtenu une mention spéciale au Festival de San Sebastian 2018 dans la section Nouveaux réalisateurs, ainsi que le Prix de la jeunesse, est donc désormais une réalisatrice à suivre.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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