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SCANDALE

Un film de Jay Roach

Fox Bomb

Plusieurs femmes travaillant pour la chaîne d’info continue Fox News ont plusieurs altercations successives avec le fondateur de la chaîne, Roger Ailes. Elles vont tenter de briser la « loi du silence » à propos du harcèlement sexuel, et déclencher une onde de choc…

Scandale film image

La simple lecture du synopsis de "Scandale" suffit à faire clignoter le mot « #MeToo » à chaque fin de phrase. Ce qui n’est pas si anomal, tant l’affaire sur laquelle il braque les projecteurs rejoint assez bien celle qui a précipité la chute de l’immonde Harvey Weinstein. Soit la révélation du harcèlement sexuel commis par Roger Ailes sur plusieurs employées de la chaîne de télévision qu’il dirigeait et qui aura violemment fissuré l’image supposément intègre de ce groupe médiatique. Le mot « intégrité » était pourtant à la base l’adjectif le moins adapté pour qualifier ce truc qu’on appelle Fox News. Histoire de vous épargner un long exposé rébarbatif sur le sujet, on vous conseillera plutôt de jeter un coup d’œil à l’effarant documentaire "Outfoxed" de Robert Greenwald, lequel décrypte - preuves à l’appui - le fonctionnement révoltant d’une chaîne visiblement propagandiste et mensongère à la solde de la droite ricaine la plus conservatrice. Ce sera là une bonne entrée en matière avant de rentrer dans ce "Scandale" qui laisse de côté la politique de la chaîne – promouvoir une idéologie par le biais du déni de déontologie – pour se concentrer sur la naissance d’une autre forme de politique – éveiller les consciences par le biais de la vérité.

A contrario de la mini-série "The Loudest Voice" qui racontait la même affaire, Jay Roach choisit de mettre les pions au premier plan et de laisser la politique de désinformation du roi au fond du décor. Un pur jeu d’échecs en intérieur où deux femmes, Gretchen Carlson (Nicole Kidman) et Megyn Kelly (Charlize Theron), grattent l’allumette du scandale sous les yeux d’une troisième (Margot Robbie) et amorcent le processus qui mènera à la chute de leur patron supposément intouchable (John Lithgow). De ce quatuor vedette, il est intéressant de noter que seul le personnage joué par Margot Robbie est fictif : celle-ci se veut le témoin d’un événement, le guide qui nous accompagne durant deux heures d’une mécanique parfaitement structurée. En cela, on pense plus d’une fois à "The Big Short", ce qui est à la fois logique (c’est le même scénariste) et regrettable (ce n’est pas le même réalisateur). Car si l’on savait le réalisateur de la saga "Austin Powers" sensible à la cause satirique (son téléfilm sur Sarah Palin avait fait sensation à sa sortie), il faut bien reconnaître que la mise en scène de Jay Roach n’égale jamais celle d’Adam McKay, infiniment plus subversive dans son ton et plus stressante dans son tempo.

La force de "Scandale" ne tient donc pas dans un emballage au fond très didactique, mais dans un casting et des dialogues qui retroussent leurs manches et exposent de sacrés arguments. D’abord, le fabuleux trio Theron-Kidman-Robbie ne sert pas des personnages unilatéraux sur coulis d’un propos manichéen, mais une trinité complexe qui trouble de multiples dichotomies (innocent/coupable, victime/bourreau, silence/parole, honneur/ambition, etc…) et injecte de la nuance dans chaque rapport de force. Ensuite, le Roger Ailes incarné par John Lithgow est ici présenté moins comme un salaud intégral que comme un être pathétique, pantin décati d’un système hypocrite qui persistera au-dessus de lui, y compris après sa chute (voir les deux grandes scènes de Malcolm McDowell dans la peau de Rupert Murdoch). Enfin, les dialogues du film sont ici comme des fusées que l’on balance autant pour placer la vérité au-dessus du reste que pour prendre le dessus sur l’autre, signes d’un jeu de pouvoir qui n’épargne personne. Il est juste regrettable qu’hormis une Margot Robbie absolument parfaite, les trois autres stars du film aient jugé bon de se cacher derrière un abus de maquillage « colle-à-gêne » pour étoffer une prestation déjà épatante en soi. Peut-être pour s’offrir une garantie d’Oscar ? Peu importe : du moment que thriller rime avec bulldozer, il n’y a pas de quoi faire un scandale pour si peu.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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