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MISS VIOLENCE

Un film de Alexandros Avranas

Quand la Grèce règle ses comptes

Lors d'une fête d'anniversaire en famille, alors que la plus grande des filles annonce qu'elle est enceinte, discrètement, profitant d'un instant d'inattention, une adolescente se défenestre...

Peu facile d'accès, le film grec de la Compétition Vénitienne 2013 avait fait fortement sensation, choquant nombre de festivaliers, et repartant du Lido avec à la fois le Grand prix du jury et le Prix d'interprétation masculine pour son inquiétant interprète principal, Themis Panou. Car sous le vernis d'une famille unie, devant faire face au deuil, se cache en fait un monstrueux portrait d'un couple de grands-parents, hébergeant leur fille, et ses deux enfants. Encore qu'au fil de l'histoire, la question de la filiation des uns avec les autres étant de moins en moins évidente.

Découvrant peu à peu les agissements du mâle de la famille, son emprise réelle sur les femmes et filles qui composent le noyau familial, le spectateur va de surprise en surprise, la mise en scène prenant soin d'évoquer le malaise ambiant par petites touches (une fille qui se taillade la main, une autre qui simule les règles en se coupant la jambe...), avant de livrer plus directement la teneur des supplices. Jouant à merveille de la suggestion, disposant de dialogues avec parcimonie, Alexandros Avranas dresse un portrait épouvantable d'un père dont l'abjection semble sans limite. Refermant peu à peu le piège, il offre ponctuellement quelques fausses pistes d'échappées, telle la lourde visite des services sociaux, impliquant dans l'horreur les victimes elles-mêmes.

Pouvant se lire à plusieurs niveaux, "Miss Violence" peut être pris comme une parabole politique sur l'état du pays, chacun des personnage pouvant être identifié, selon ses agissements et compromissions, à la Troïka européenne, au gouvernement ou au peuple grec, la jeunesse de ce dernier étant condamnée à payer pour les erreurs et l'irresponsabilité de ses aînés. Le parallèle est certes osé, mais si l'on y regarde de plus près, il est des plus clairs. Quasi huis-clos, le film charrie des montagnes de souffrance silencieuse, abordant tour à tour des questions d'argent, d'éducation à la rude, d'exploitation, d'obéissance, et de rapport à l'autorité, au travers d'une lugubre histoire traitée de la manière la plus clinique possible. À découvrir le cœur bien accroché.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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