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LETTRE À FRANCO

Un biopic maladroit, embourbé dans un académisme soporifique

Alors qu’il soutenait l’insurrection militaire, le célèbre écrivain Miguel de Unamuno commence à revoir sa position au gré des arrestations de ses amis. Au point de s’opposer de plus en plus à la montée en puissance de Franco…

Lettre à Franco film image

S’il existe des cinéastes qui ne sont jamais là où on les attend vraiment, Alejandro Amenábar fait immanquablement partie de ce groupe. Du drame lacrymal ("Mar Adentro") au thriller ("Ouvre les yeux"), en passant par le péplum ("Agora") et le film d’horreur hollywoodien ("Les Autres"), le réalisateur n’a cessé de se réinventer au fur et à mesure de ses projets. Le voir s’intéresser à la montée du franquisme et aux prémices de la guerre civile espagnole n’était pas le choix sur lequel on aurait misé pour sa prochaine production. Et pourtant, c’est bien sur l’été 1936 que va se focaliser la caméra de son nouveau métrage, et plus précisément sur la figure de Miguel de Unamuno. Célèbre écrivain, philosophe, poète et recteur de l’Université de Salamanque. L’homme de lettres va d’abord se montrer conciliant voire complaisant envers Franco, avant de réviser ses opinions suite aux disparations successives de ses amis penseurs.

Auréolé de cinq Goyas, les César espagnols, "Lettre à Franco" brille plus pour sa reconstitution fidèle d’une époque que par ses qualités scénaristiques, comme l’ont confirmé les prix reçus (Meilleurs costumes, maquillage et décors notamment). Car en s’enfermant dans un classicisme austère, Amenábar enlève le moindre souffle dramatique à son œuvre, nous offrant une vulgaire illustration d’un moment charnière de l’Histoire, là où on aurait aimé plonger dans le regard d’un metteur en scène. En voulant épouser les contradictions d’un individu vénéré par ses ennemis de demain, il ne manquait pourtant pas d’ambition. Mais en grossissant le trait, le film tombe dans un entre-deux malsain, où le général Franco apparaît avec une bonhomie attendrissante tandis que l’illustre auteur est relayé à un personnage borné et antipathique. Rappelant inévitablement la montée des extrêmes droites actuelles en Europe, le récit finit même par brouiller son propos, au point d’entretenir un flou questionnable. Trop didactique et pas suffisamment créatif visuellement, "Lettre à Franco" ne marquera définitivement pas les esprits. Et ce n’est pas plus mal.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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