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DANS LES HAUTES HERBES

Un film de Vincenzo Natali

Lost + Cube (mais dans un champ)

Cal et sa sœur Becky, alors en fin de grossesse, roulent à travers la campagne et font une pause à côté d’une prairie constituée d’immenses herbes. Soudain, la voix d’un garçon appelle à l’aide au milieu de la végétation. Les deux jeunes gens s’engouffrent dans les herbes et s’égarent eux aussi, constatant rapidement que des phénomènes surnaturels les éloignent étrangement l’un de l’autre et les empêchent de retrouver la route…

Sortie le 4 octobre 2019 sur Netflix

En 1997, Vincenzo Natali était entré de plain-pied dans le cercle des grands réalisateurs de fantastique avec un film immédiatement vénéré et devenu culte : "Cube". S’il n’avait pas connu un accueil aussi unanime avec ses longs métrages suivants, il a conservé des admirateurs avec "Cypher", "Nothing" et "Splice" (dont l’auteur de cette critique, qui n’a en revanche pas encore eu la chance de voir "Haunter", son cinquième film). En adaptant une nouvelle coécrite par Stephen King et Joe Hill (fils du précédent), il s’est engouffré dans un exercice qui s’avère souvent périlleux tant les stephen-kingophiles ont tendance à crier facilement au sacrilège à chaque adaptation de l’œuvre du maître. Plus largement, l’argument simpliste « le livre était mieux » est tellement répété à l’envi que l’on ne commentera pas ce genre de jugement rudimentaire – d’autant qu’il faut bien avouer que dans ce cas précis, on n’a pas lu la nouvelle d’origine !

Ne nous préoccupons donc pas de considérations littéraires et attachons-nous à émettre un avis sur le sixième long métrage de Vincenzo Natali, sorti directement sur Netflix. Très rapidement, on se retrouve dans une sorte de "Cube" version plein air, avec des personnages coincés dans un environnement sans comprendre pourquoi, et avec des enjeux de survie qui bouleversent les relations, les valeurs ou les priorités de chacun. Après le cube du film homonyme et le blanc immaculé de "Nothing", on connaissait déjà l’expertise de Natali pour les décors minimalistes et il le confirme en exploitant à merveille la prairie de hautes herbes qui fait office de décor quasi unique à ce récit, avec quelques lieux annexes (une route, une église et un bowling abandonnés).

Le réalisateur canadien continue finalement de décliner ses leitmotivs favoris : la claustrophobie (déjà présent en 1996 dans son court métrage "Elevated"), l’instinct de survie, ou encore ce mélange d’instabilité et de friabilité qui caractérisent ses personnages. Ces derniers sont, comme toujours chez Vincenzo Natali, confrontés à l’extrême et à des phénomènes qui les dépassent. Dans ce casting une nouvelle fois très resserré (autre caractère récurrent de la filmographie du réalisateur), on retiendra surtout la performance de Patrick Wilson, dont le rôle complexe donne lieu à une interprétation tout aussi changeante mais toujours de qualité – on remarquera au passage qu’il s’agit du premier long métrage de Natali sans son acteur fétiche, David Hewlett. Les protagonistes se retrouvent donc ici dans une sorte de huis clos à l’air libre, dans lequel un simple brin d’herbe parvient à nous donner des frissons !

Avec ce décor naturel et ces phénomènes qui le sont bien moins, tout ceci assorti d’un bouleversement de l’espace-temps, on pense évidemment à "Lost". Malheureusement "Dans les hautes herbes" tombe dans les mêmes travers que cette série culte : le scénario finit par s’égarer dans ses propres ramifications, explorant des développements dont le sens finit par nous échapper, avec notamment un côté mystico-sectaire un peu grossier et une psychologie des personnages de plus en plus difficile à cerner (voire incohérente). Bien qu’efficace dans la tension que le récit crée, la dernière partie n’est pas à la hauteur des promesses de départ, même si la toute fin sauve le tout in extremis. Heureusement, il reste le génie de Vincenzo Natali, qui continue de se préoccuper beaucoup plus du « comment » que du « pourquoi ». C’est sa force, mais c’est peut-être aussi sa faiblesse quand le scénario n’est pas entièrement maîtrisé.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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