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Critique Série : LOST, LES DISPARUS - SAISON 1

Série créée par Jeffrey Lieber, J.J. Abrams et Damon Lindelof
Avec Matthew Fox, Evangeline Lilly, Harold Perrineau, Terry O'Quinn, Josh Holloway, Jorge Garcia, Naveen Andrews, Daniel Dae Kim, Kim Yoon-jin, Emilie de Ravin, Dominic Monaghan, Maggie Grace, Ian Somerhalder, Malcolm David Kelley...

Première diffusion en France : 2004 sur TF1
Format : 42 minutes en moyenne par épisode (25 épisodes pour la saison 1)

Synopsis

Un avion s’écrase sur une île inconnue du Pacifique et 48 personnes survivent. Mais les secours n’arriveront jamais et l’île s’avèrera de plus en plus étrange. Le postulat de départ semble donc grotesque et pourtant la sauce prend facilement. Le plus grand mystère de la série pourrait donc être son surprenant succès. Mais à y regarder de plus près, on peut comprendre pourquoi cette aventure suscite autant d’engouement.

Critique : Les disparus

On a souvent comparé la caméra à un œil extérieur qui place le spectateur dans une position quasi divine. La force de "Lost" est de s’en affranchir en partie. L’œil est bel et bien extérieur mais il se retrouve globalement dans les mêmes conditions que les personnages, face aux mystères, aux doutes et à l’angoisse de la survie. Beaucoup ont dit que le personnage principal de la série était l’île. Malgré son importance flagrante et sa personnification intrigante, j’aurais tendance à vouloir aller plus loin et émettre l’hypothèse que le personnage principal est beaucoup plus abstrait : l’inconnu. Cette théorie permet d’englober tous les personnages et toute l’histoire car chacun des personnages (et le spectateur avec) se voit contraint et forcé de vivre avec l’inconnu sous toutes ses formes : les autres rescapés, l’île, la survie, soi-même, etc…

Bien au-delà d’une télé dite réalité (on pense à "Koh Lanta" bien sûr), cette série pourtant fantastique nous apprend paradoxalement plus sur l’être humain que n’importe quel documentaire ou émission "découverte" ! Le secret tient sans doute dans le fait que les créateurs de la série s’en donnent à cœur joie pour bouleverser tous les repères. La série est loin d’être exempte de situations et dialogues clichés mais de façon générale, elle s’efforce de ne pas tomber dans la facilité et de multiplier les mystères, les rebondissements, et surtout les points de vue. La diversité des personnages permet d’éviter le ton unique : tantôt on analyse la situation de façon très terre-à-terre (avec Jack par exemple), tantôt de façon presque mystique (avec Locke notamment), le plus fort étant que, tour à tour, chaque vision prend une forte crédibilité pour être mieux ridiculisée ensuite ! Rationnel et irrationnel n’ont jamais aussi bien cohabité !

L’autre ingrédient essentiel à l’atmosphère de la série, c’est l’art de suggérer, prouvant une fois de plus qu’un travail réfléchi sur le hors-champ et le son valent mieux que n’importe quels effets spéciaux m’as-tu-vu (d’ailleurs les quelques effets visuels utilisés sont généralement assez décevants). Ajoutons la diversité des personnages que l’on découvre petit à petit dans des flash-backs souvent très bien emmenés (le premier à propos de Locke est sans doute le meilleur) et nous voilà en présence d’une série qui sait être à la fois classique et novatrice.

Les créateurs (J.J. Abrams, Damon Lindelof et Jeffrey Lieber) semblent avoir tout prévu. Les flash-backs leur permettent de faire apparaître d’autres personnages et le nombre impressionnant de survivants anonymes participe à la même logique : faire intervenir, au moment nécessaire, un personnage utile à l’intrigue, tout en préservant la plupart des héros de certains "accidents" mortels ! Il reste en fait une seule grande question : comment les créateurs ont-ils prévu d’expliquer tous les mystères de l’île ? La fin est effectivement à redouter mais si elle s’avère aussi convaincante que le reste, nul doute que "Lost" s’installera sur un piédestal dans l’histoire de la télé…

Mais au-delà de l’histoire, la série trouve un écho particulier dans notre monde contemporain et la paranoïa post-11 septembre qui le caractérise. "Lost" apparaît alors comme une analyse alternative de la gestion d’un traumatisme à la fois individuel et collectif face à des évènements et un processus global qui semblent échapper à tout le monde. Les personnages sont en doute constant, oscillant entre confiance et méfiance, que ce soit face aux autres, face aux lieux ou même face à eux-mêmes et leurs convictions. Finalement, les créateurs ne nous conseillent-ils pas d’aller au-delà de nos croyances et de nos préjugés ? En tout cas, les niveaux de lecture sont multiples et c’est la plus grande richesse de "Lost".

PS : on peut par contre regretter le doublage français imposé par TF1 lors des premières diffusions – même si on a déjà vu pire doublage. Pas étonnant de la part de la chaîne évidemment mais il est frustrant de devoir tant attendre pour qu’une chaîne diffuse la série en VO, ce qui ne s’est d’ailleurs pas produit avant la sortie des DVD en novembre 2005.

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur