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INTERVIEW

DEBOUT SUR LA MONTAGNE

Sébastien Betbeder

réalisateur et scénariste

Dans le salon privé du cinéma Comoedia, Sébastien Betbeder, auteur de « Inupiluk« , « Marie et les naufragés » et « Ulysse et Mona« , se livre au jeu des questions réponses avec une poignée de journalistes autour de son nouveau (et très séduisant) long métrage, tourné en Auvergne Rhône Alpes, « Debout sur la montagne« . L’occasion d’évoquer le tournage en montagne, le trio de personnages, le choix de interprètes, l’écriture et la musique.

Entretien Rencontre Interview Debout sur la montagne
© Sophie Dulac Distribution

Tourner en montagne

Natif des Pyrénées, Sébastien Betbeder avoue être pratiquement « prédisposé » à tourner en montagne. Il lui fallait en tous cas « inscrire le film dans un territoire isolé », un lieu qui puisse « créer un lien » rendant crédible cette histoire. Pour cela, il a du faire énormément de repérages, et l’aide de la Région a été décisive, permettant le choix d’un village dans un territoire cependant immense. Il n’a cependant pas été aisé de trouver un village qui ait du caractère, soit porteur de tradition et surtout, soit libéré de l’emprise des panneaux publicitaires.

Il fallait que ses personnages, puissent à un moment « s’échapper de ce cadre, pour mieux y revenir ». D’où l’escapade maritime sur les falaises normandes, les obligeant à traverser la France, et l’idée de développer un peu le personnage de l’ex d’Izia Higelin, de manière très romantique (il joue de la musique face à la mer).

Il était globalement important « que les spectateurs puissent croire à la géographie du film », ceci « même si les lieux ne sont pas clairement cités ». Le village de montagne est un peu un lieu de résistance. Mais le tournage là-bas a nécessité des adaptations. Ainsi, la découverte de la maison en forme de tour, a permis de réécrire un des flash-back, faisant de la petite une sorte de princesse prisonnière (d’où « la descente en rappel »). Il a fallu aussi s’adapter à la météo. Tourner en montagne oblige à rechercher ces accidents ou imprévus. Par exemple, la neige n’était pas prévue, mais cela donne une très belle scène. De même, « l’apparition de la créature n’avait pas été réfléchie dans la grotte du souvenir d’enfance ».

L’idée d’un trio : deux garçons et une fille

L’idée de cette « trinité » est venue très vite. L’idée était pour lui d’avoir des personnages abîmés, par cette séparation de 15 années. Il fallait aussi qu’ils s’équilibrent, qu’ils aient chacun leur place, qu’aucun ne soit secondaire. De même, pour les personnages secondaires, il fallait qu’ils marquent les esprit, « en une scène unique ».

Les trois personnages principaux sont en effet à un moment charnière de leur vie, « se mettent en pause » grâce à ce « retour aux sources », ces « retrouvailles ». Mais les autres personnages, locaux, sont eux aussi coincés, qu’il s’agisse du joueur de télé réalité, du personnage d’Esteban ou de la barmaid. Le « recommencement est possible parce qu’ils se sont absentés de ce lieu ». Baptiste lui aussi, est revenu après l’émission de télé réalité. Mais au final, on peut dire que tout le monde bouge grâce à ces trois personnages, ils créent « un petit dérèglement dans leur quotidien ».

Affirmant que tout le monde, « à un moment [...] fuit un quotidien, un contexte », et que « revenir oblige à se confronter », ce qui est parfois fort, parfois violent, mais nécessaire, il indique croire « que le passé n’est pas quelque chose de révolu », mais « qu’il est toujours là, présent ». Ainsi, il a voulu que la scène du cimetière ne soit pas triste (sans non plus tomber dans l’excès), la mort n’étant jamais une fin, comme « pour la météorite, caillou inerte qui redevient lumière parce que le personnage de Stan l’a décidé ».

Le choix des interprètes

Dans la scène d’enterrement, Sébastien Betbeder a « voulu un personnage de prêtre singulier » (au discours assez hallucinant), car ce type de personnes « est souvent importante dans ces villages », il « connaît l’âme des personnages ». Il a souhaité André Wilms tout de suite, car celui-ci « suscite l’écoute et l’empathie ». C’est un peu comme dans les films d’horreur, « l’idée que le prêtre assume la part mystique et fantastique » de l’histoire.

Il avoue avoir rapidement « pensé à Izia Higelin », dès l’écriture. Cela l’a aidé à construire son personnage. Elle est très « naturelle, tout en sachant dire un texte très précis ». Pour Bastien Bouillon, il avait déjà travaillé avec lui sur "2 automnes 3 hivers". Quant à William Lebghil ce fut « une vraie rencontre ». « Il a compris très vite comment éviter les écueils du personnage de schizophrène.

Enfin, pour la créature que seul le personnage de Stan voit, il a souhaité un mixte des trois animaux que le frère de Bastien gardait (lémurien, zèbre...), que l’on retrouve dans les traits de cette apparition. Il voulait un personnage très doux et intérieur, et à porter son choix sur Jérémie Elkaïm, qu’il avait vu dans un court métrage au Festival de Clermont Ferrand. Son personnage a quelque chose de très asiatique, pour lui qui aime beaucoup Kurosawa. Il s’agit d’un personnage bienveillant, porteur de « l’idée romantique de l’âme errante qui a besoin de finir quelque chose » avant de pouvoir s’en aller.

Écriture et musique

Lorsqu’un journaliste l’interroge sur le fait qu’il a pensé aux réactions des spectateurs dès l’écriture, notamment pour le dosage entre rire et émotion, l’auteur répond que « la comédie est souvent liée au cynisme » et que ce qu’il déteste est que l’on « se moque des personnages ». Il a donc voulu faire tout le contraire. Et par exemple, l’apprenti comédien de stand-up l’illustre bien. « L’humour n’est pas une chose en soi ». Lui n’est pas mauvais… il est malhabile. Il fallait que le personnage se situe dans « cette zone intermédiaire ».

Concernant les choix musicaux, Betbeder cherchait une musique électro qui ne soit pas trop citadine. Il écoutait des groupes de 25-35 ans qui revenaient vers une musique et des sonorités plus traditionnels. Ainsi la bande originale est composée de musique additionnelle signée 2 Zen, et de morceaux de Sourdure. Il était cependant important pour lui, qu’Ernest Bergez, qui habite Lyon, vienne sur place durant le tournage, pour s’imprégner de l’atmosphère des lieux. Enfin, pour conclure, le titre du film, lui, est venu tout de suite, en pensant notamment au mouvement de Nuit Debout, mouvement duquel les trois personnages auraient pu être proches.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

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