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INTERVIEW

RAVISSEUSE (LA)

Le sujet, basé sur le scénario de Véronique Puybaret obligeait au film dit « en costumes », mais le réalisateur Antoine Santana espère que son film va bien au delà des préjugés qui caractérisent ce genre là. Il voit en le thème de la maternité déjà abordé dans son premier film, et c…

© Patrice RICOTTA

Le sujet, basé sur le scénario de Véronique Puybaret obligeait au film dit « en costumes », mais le réalisateur Antoine Santana espère que son film va bien au delà des préjugés qui caractérisent ce genre là. Il voit en le thème de la maternité déjà abordé dans son premier film, et celui de ces femmes qui quittent leur famille et leur pays, un parallèle évident avec des situations d’aujourd’hui. L’époque se ressent dans les références à la peinture de l’époque, volontairement travaillées, mais moins en rapport avec la peinture flamande, et plus en lien avec les impressionnistes français. Antoine Santana a souhaité par là, aborder la naissance de la photo et du cinéma, au travers de Degas ou de Caillebotte pour les intérieurs.

Le point de départ de l’histoire, fut les deux personnages féminins. Celui du mari est venu rapidement ensuite, avec toutes les relations conflictuelles, psychologiques et sociales qu’il charrie. Le film a fait l’objet de recherches approfondies sur la condition des nourrices sur lieu, de la part de la scénariste, Véronique Puybaret. Elle explique que dans la littérature, on trouve beaucoup de témoignages, tout comme dans des traités médicaux ou d’hygiène. Et notamment dans les romans de Zola (« Les 4 évangiles » principalement), où les bonnes jetaient leurs enfants à la poubelle, et retournaient immédiatement travailler. Ce métier était paradoxalement bien payé, et si elles étaient enfermées, elles bénéficiaient de traitements de faveurs, concernant notamment la nourriture, et les corvées. Elles s’engageaient d’ailleurs souvent dans une « second nourrissage », pour retrouver de bonnes conditions de vie.

L’écriture des dialogues se voulait elle, très moderne. Le réalisateur a souhaité confirmer cela au travers de sa direction d’acteurs, qu’il espère ne pas entendre parler « comme au XIXème siècle ». Catherine Breillat qui a apporté une aide en tant que relectrice, s’est contentée d’avoir un regard de consultant. Elle n’a pas eu son mot à dire sur les points qu’on imaginerait, mais par exemple, révèle le metteur en scène, sur la scène de lecture de la recette.

Le choix des actrices paraît à certains journalistes discutable sur l’âge des personnages. Antoine Santana rétorque qu’elles n’ont pourtant que 22 ans. Il précise d’ailleurs que dans son premier film, Isild Le Besco avait seulement 18 ans, et déjà un enfant de 4 ans. Alors que le producteur pensait que ce serait un problème, il s’est avéré que personne n’y a prêté attention. Pour la scénariste, Emilie Dequenne joue beaucoup avec son corps, son maintien, et une sorte de raideur coincée. Pour le réalisateur, son personnage évolue. Elle est présentée au lit, au début du film, et se dévoile peu à peu lorsqu’elle trouve une entente avec Isild. C’est un peu une petite fille modèle, qui va se laisser aller, jusqu’à un négligé que le mari ressent bien. Du coup, elle revient brutalement à son rôle de maîtresse de maison.

Le choix d’Annemone provient d’une envie immense du réalisateur de travailler avec cette actrice, comme il voudrait également le faire avec Olivier Gourmet. Il a souhaité la faire travailler dans un registre inhabituel pour elle, comme elle a pu le faire dans Le petit prince a dit de Christine Pascal. Elle n’était pas tentée de jouer une servante « à la Rebecca ». Il fallait qu’à la fin elle exprime qu’elle a été comme la jeune nourrice, il y a longtemps. Elle déteste la condition d’Isild et a ses raisons.

La scène de mise au point entre le mari et la femme paraît très découpée, en de nombreux plans, et le réalisateur avoue qu’il s’est donné lui même beaucoup de contraintes, notamment en termes de rapidité du tournage, d’où une grosse préparation, et un fort découpage préalable, qui laisse cependant une grande liberté aux comédiens. Par exemple lors de la scène du repas, il lui a fallu définir clairement la place de Grégoire, en terme de signification, place présentée auparavant. Ainsi, lorsque Isild est assise à la place de l’époux, Emilie est toujours assise à sa place d’épouse. C’est cela qui entraîne une réaction de la part du mari, lors de son arrivée. L’étroitesse du lieu exige alors de nombreux changements d’axes de la caméra, ce qui fait monter l’émotion chez le spectateur.

Le titre du film, « La ravisseuse », vient d’ailleurs plus de cela, du fait qu’Isild pourrait bien ravir la place du mari, ou plutôt enchanter la femme, comme le mari. Au départ, le film s’appelait « De Profundis », puis le titre de travail fut « Le sein », puis « Entre deux mères ». Le double sens de « La ravisseuse » était plutôt séduisant, sans avoir une quelconque signification homosexuelle, du type de celle, connue, selon la scénariste, (lesbienne qui séduit un hétéro).

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

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