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INTERVIEW

JE NE SUIS PAS LA POUR ETRE AIME

© Patrice RICOTTA

Journaliste : Pourquoi avoir mis 6 ans pour faire votre deuxième film ?

Stéphane Brizé : J’ai tout de même fait un documentaire entre temps. Il est de toute façon toujours difficile de passer au second. On se demande ce qu’on a envie de raconter. Et même si j’ai commencé différentes histoires, le film doit être en lui même une nécessité.

Journaliste : Comment s’est passé l’écriture à deux mains ?

Stéphane Brizé : Dites plutôt à quatre mains… J’aime l’intelligence des femmes avec lesquelles j’écris. Elle me séduit, elle permet l’échange. Mais cette écriture à deux n’est finalement pas tant pour obtenir différents points de vue, car j’ai la faiblesse de penser que je peux tout de même deviner certaines choses sur les réactions féminines.

L’influence des acteurs existe au travers du tournage. Une fois le scénario écrit, je tourne tout. Mais forcément, il y a des coupes au montage. Notamment des choses trop explicatives, ce qui fait évoluer le scénario.

Journaliste : Après une pervenche dans le Bleu des villes vous vous attachez au destin d’un huissier dans Je ne suis pas là pour être aimé. Pourquoi vous attacher à des professions mal aimées ?

Stéphane Brizé : Je suis toujours attiré par les personnages qui tiennent l’émotionnel à distance. Ces gens là y sont forcé de par leur métier même. Et leurs professions racontent immédiatement une histoire au spectateur, en véhiculant une image triste et sombre.

Journaliste : Pourquoi avoir choisi Patrick Chesnais ?

Stéphane Brizé : J’ai beaucoup de tendresse pour cet acteur. Et puis on n’a pas forcément envie de lui taper sur l’épaule au premier abord.

Patrick Chesnais : Mon personnage est rébarbatif et fermé. On sent qu’il est en fin de parcours. Et au fil du film, il redeviens un jeune homme. J’aime ces personnages d’apparence monstrueux, qui se révèlent humains.

Anne Consigny : Pour ma part, j’ai en fait découvert mon personnage en voyant le film. J’y ai vu une Françoise qui m’a beaucoup touché. J’aime le regard que porte Stéphane sur des gens anonymes, qui restent dans l’ombre.

Journaliste : Comment se sont déroulées les scènes avec Georges Wilson ?

Patrick Chesnais : Il avait la réputation d’être un rouspeteur. C’était en fait un grand enfant, qui tournait chaque moment en dérision. Georges a été président du TNP, il n’a pas les mêmes réactions que les autres acteurs face à moi.

Stéphane Brizé : Il fallait quelqu’un qui ait de la force et du répondant pour jouer ce père malade. Il y a eu un certain respect de sa part vis à vis de Patrick Chesnais.

Journaliste : Vous avez souhaité faire passer un maximum d’intensité par les regards…

Stéphane Brizé : C’était une nécessité. Mes acteurs ont quelque chose à voir avec leurs personnages. Je n’avais donc plus grand chose à faire. Je dis toujours qu’il s’agit de bien les choisir à 80% et ensuite de les aimer à 20%.

Patrick Chesnais : Il a aussi souhaité par là, aller directement au cœur du problème. Toucher à l’épure. Dans ce rôle, je n’ai pas besoin d’en faire beaucoup. Le comique ne nait pas souvent du joyeux, mais des situations et du décalage.

Journaliste : Votre thème central est l’impossibilité de la communication…

Stéphane Brizé : Je pense être assez légitime pour en parler. On peut très bien ne pas communiquer en parlant beaucoup. Ne pas parler entre générations, comme entre Patrick et son père, me touche beaucoup. On peut ainsi passer à côté des gens qu’on aime. A un moment, je crois qu’il faut arrêter d’être con…

Journaliste : L’apprentissage du Tango a-t-il été difficile ?

Patrick Chesnais : C’est une danse très difficile, mais que j’aime beaucoup. Il faut plus de deux ans pour arriver à la danser correctement. Nous avons du travailler pendant près de trois mois.

Anne Consigny : 70 heures exactement.

Patrick Chesnais : On a cherché à travailler sur des sensations, plus que sur les chorégraphies elles-mêmes. Ce sont des gens qui vont s’aimer. Cette danse correspondait bien dans le sens où elle est animale, sauvage et sophistiquée à la fois, et qu’elle implique une certaine distance, une raideur.

Stéphane Brizé : Lors de l’audition d’Anne, je lui ai passé un morceau de Tango. Et je lui ai demandé de danser avec Patrick. Le couple apparut assez évident, en belle harmonie. Ce sont deux personnes qui vont bien ensemble.

Journaliste : A la fin, votre personnage connaît comme une renaissance…

Stéphane Brizé : Certes, mais il fallait ne pas en faire trop. La faille de l’enfant est toujours présente en chacun, et c’est cela qui m’intéresse. Confronter cela avec des sentiments crée le rire.

Patrick Chesnais : Il s’agit pour moi plutôt d’une naissance. C’est sa première histoire d’amour, et on sent qu’il va être heureux. Quand les choses sont vraies et juste, c’est cela qui déclenche le rire, presque toujours.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

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