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INTERVIEW

GRAND RÔLE (LE)

Après son premier film, Steve Suissa s’était dit qu’il ne ferait plus jamais un film sur les acteurs. Mais, alors qu’il lisait le livre, il a ressenti un tel amour de la vie, une telle solidarité entre ces hommes, ces copains, et un tel amour pour cette femme, qu’il lui a fallu porter l’histoire …

© Olivier Bachelard

Après son premier film, Steve Suissa s'était dit qu'il ne ferait plus jamais un film sur les acteurs. Mais, alors qu'il lisait le livre, il a ressenti un tel amour de la vie, une telle solidarité entre ces hommes, ces copains, et un tel amour pour cette femme, qu'il lui a fallu porter l'histoire du Grand rôle à l'écran.

Dans le roman, les personnages ont tous dans les 70 ans. Conserver cette caractéristique aurait pu donner une sorte de clin d'œil aux Grands Ducs de Patrice Leconte. L'idée avait donc déjà été exploitée, et il y avait un côté has been là dedans. Il en a donc fait des personnages de 35 ans, loin du côté « plombé » du bouquin, avec donc plus d'émotion et de rire. Avec des personnages de 70 piges, la mort eut été moins triste, car plus naturelle, et surtout plus molle. Il s'interroge aussi sur la crédibilité de ce mensonge d'amour, qui lui paraît plus importante dans les yeux d'un homme de 25 ans.

En réalité, il indique avoir surtout voulu mettre en scène un film sur l'amour de la vie. Il était pour lui hors de question de tourner une scène d'hôpital, ou avec de nombreux médecins impersonnels. Si le film traite du mensonge, Bérénice rappelle que nous avons tous des secrets, et que ce qu'elle vit a beau être un mensonge, elle le prend comme un cadeau. Lorsqu'un personnage a peu de temps à vivre, forcément, on en fait trop, son mari en fait trop, il se créé son grand rôle, et entraîne tous les autres dedans, y compris Rufus, qui était au départ réticent.

Quand on lui demande si ce n'est pas finalement le personnage de Perla qui commence elle même à mentir, il rétorque qu'elle prend beaucoup sur elle, et qu'elle donne beaucoup, avec toujours un regard pur et volontaire, jamais complaisant. Elle ne ment pas réellement. Elle oublie sa maladie par sa fierté pour lui.

Le choix de Bérénice Béjo est venu facilement. Steve Suissa ne voulait pas une actrice que l'on voit partout. Pour l'actrice, le grand rôle, dans une carrière, il n'y en a heureusement pas qu'un seul. C'est un rôle dans lequel on s'épanouit, on donne aux autres. Ce rôle de Perla était un rôle très optimiste, il donne envie d'amour.

Steve Suissa revient sur sa conception du métier de cinéaste. Pour lui, un réalisateur doit divertir, permettre d'apprendre quelque chose, faire connaître un univers, ou donner « envie de ». Il a donc préféré faire ce film avec peu d'argent et aucune grande vedette, et rester dans le naturel, en évitant notamment les acteurs à contre emploi calculé. Faire un film c'est donc oser montrer ses failles, et il reste persuadé que la sincérité plaît.

Lorsqu'un journaliste compare son film avec « Clara et moi », pour l'approche, mais aussi pour la réaction contraire des deux personnages de concubins, le réalisateur confirme qu'il s'agit d'un point de vue contraire sur la vie, mais qu'il le respecte. Bérénice ne veut elle, pas juger les personnages. Elle dit qu'il n'est pas plus lâche de partir, surtout quand on n'a pas la force d'accompagner l'autre. Le personnage de Stéphane n'est pas pour autant un héros. Il ne sait juste pas comment agir, et est pris dans l'engrenage de l'idée qu'il a eu.

Le personnage de Peter Coyote semble être une allusion claire à Steven Spielberg, que le réalisateur qualifie de doué et « bon cibleur ». Il indique qu'il y avait le même genre d'allusion dans le livre, et que quelques signes concordants pour ce rôle. Ainsi, alors qu'il avait rendez-vous avec Peter Coyote, au Café de Flore, il a réalisé que Spielberg y prenait un café au même moment. Il a donc fait jouer Coyote avec barbe et jean's dans une limousine, sorte de décalage que peut se permettre un Spielberg.

Et c'est finalement la phrase principale de son monologue, qui résume bien ce que pense Steve Suissa, ce qui le motive : on peut tout rater dans la vie, mais si on réussit à aimer quelqu'un, on a tout réussit.

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