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INTERVIEW

CHEMINS DE TRAVERSE

L’un des journaliste estime que ce film est d’un traitement hautement mélancolique. A cela, Manuel Poirier rétorque que, comme dans tous ses films, les principaux thèmes étant l’exil, l’errance et l’abandon, ceci entraîne forcément une certaine mélancolie. Elle est seulement plus ou moins cac…

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L'un des journaliste estime que ce film est d'un traitement hautement mélancolique. A cela, Manuel Poirier rétorque que, comme dans tous ses films, les principaux thèmes étant l'exil, l'errance et l'abandon, ceci entraîne forcément une certaine mélancolie. Elle est seulement plus ou moins cachée. Heureusement, ses personnages arrivent des fois à se réconcilier avec l'existence. Et vivre avec cette mélancolie, en être conscient, permet de mieux vivre le reste. Il lui semble en tout cas essentiel de se sentir exister, ce qui est le cas dans la souffrance. Il est vrai que pour lui, dans Chemins de traverse, la mélancolie est peut être plus assumée.

Un journaliste sous entend alors que le fait d'exister passe forcément par le rapport à l'autre. Ici on a le sentiment que le fils est quelque part plus fort que le père. Or, Manuel Poirier a simplement voulu exprimer le fait que la roue tourne, et qu'à chaque instant l'existence vous met face à vos forces et à vos faiblesses. Les unes ou les autres prédominent selon les périodes. Quand on leur demande si l'exil les rapproche, Sergi Lopez répond que c'est un thème qui lui parle. Il a à la fois besoin de se sentir proche de ses racines et de partir chercher sa place dans l'univers. Un besoin de partir et revenir.

Sergi Lopez acquiesce, lorsqu'on lui dit que son personnage joue sur les non dits. Il ajoute qu'il y a également beaucoup de non dits dans sa relation avec le réalisateur du film. Manuel Poirier donne beaucoup d'indications, à partir d'un scénario très léger. Il met en place, puis laisse toujours de l'espace à la liberté. Pour Sergi, avec le doute vient le miracle. Il affirme se nourrir de la difficulté de l'exercice, et apprécie découvrir l'histoire au fur et à mesure. Le personnage l'a cependant surpris, et il ne s'attendait pas à être lui même submergé de tellement d'émotion, et finalement autant à vif. Mais il admet aussi que c'est un personnage dans lequel il est difficile de se reconnaître.

Quand on lui dit que comme dans tous ses films, il y a de très beaux portraits de femmes, le réalisateur précise que l'actrice principale chante vraiment dans la réalité. Elle a d'ailleurs été meneuse de revue aux folies bergères. Cependant il affirme qu'ils n'avaient pas de critères de ce type pour le choix de l'actrice. Ils ont simplement trouvé celle-ci bien en chair et dotée d'une véritable personnalité.

Le film est adapté d'un roman, dont l'action se déroulait il y a trente ans, en Espagne, à la sortie du franquisme. Ici, l'Espagne a été remplacée par la Bretagne, qui est comme à l'habitude quasiment le troisième personnage du film. Si Manuel Poirier trouvait le livre parfait, il estimait qu'il n'était pas nécessaire de l'adapter, et que cela aurait pris près de six heures. Il y a donc, sans infidélité, puisé l'idée centrale, liée à la notion de paternité.

Ce qui intéresse le réalisateur, c'est finalement ce que chacun met dans le film par inconscience. Pour lui, c'est un moyen d'essayer d'avoir moins peur et d'avancer sur le chemin.
Le travail avec l'adolescent, qui logiquement, change de rapport au monde lorsqu'il rencontre l'amour, a été de l'ordre de l'instinct. Quand ils l'ont auditionné, il était évident qu'il pouvait dégager quelque chose. Mais son personnage devait avancer, se regarder, ne pas aller trop vite. Ils lui ont fait confiance. Enfin, un gros travail a également été effectué sur la musique, le compositeur venant régulièrement sentir l'ambiance, les humeurs sur le tournage. Un thème est arrivé, puis d'autres au niveau du montage. Il a donc fallu faire un tri, car celui-ci n'arrêtait pas de composer, pour le plus grand bonheur de Manuel Poirier.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

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