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INTERVIEW

BRICE DE NICE

Alors que Jean Dujardin s’est finalement désisté pour la présentation de Brice sur Lyon (il était annoncé à Nancy le même soir, et n’a toujours pas le don d’ubiquité), nous avons la chance de rencontrer le réalisateur James Huth, qu’on n’avait pas vu depuis le très apprécié Ser…

© TFM Distribution

Alors que Jean Dujardin s’est finalement désisté pour la présentation de Brice sur Lyon (il était annoncé à Nancy le même soir, et n’a toujours pas le don d’ubiquité), nous avons la chance de rencontrer le réalisateur James Huth, qu’on n’avait pas vu depuis le très apprécié Serial Lover, et les deux acteurs secondaires du film, Clovis Cornillac et Elodie Bouchez.

Clovis Cornillac admet que ses rôles récents sont dans des registres très différents, mais précise que lorsqu’il tourne, il ne pense jamais à la sortie des films. Et les dates ont été en effet très rapprochées en ce qui le concerne. Cette variété de rôles, est pour lui ce qui fait l’intérêt du métier d’acteur.

Pour Elodie Bouchez, ce n’est spécialement la prise de risque qui l’attire. Un jour on lui a donné un scénario à lire, qu’elle a trouvé à la fois délirant, très construit et cohérent. Mais c’est surtout la rencontre avec James Huth qui l’a décidée, même si elle s’est dit, « ça passe ou ça casse ».

Quand un journaliste déclare penser à Shrek lorsqu’il voit le personnage de Clovis Cornillac, cela permet aux deux hommes de rebondir. Clovis Cornillac avoue qu’il a eu peur que Jean ne veuille faire un film à sketchs, et de ne pas avoir assez d’espace pour inventer son propre personnage. Cependant, même si une première demi heure très proche du Brice que l’on connaît au travers de la télé, son entente avec le réalisateur lui a permis de trouver sa place.

James Huth ajoute qu’il apprécie et revendique le parallèle avec le film d’animation. Mais il indique qu’il lui fallait faire croire aux personnages. Et cela passait nécessairement par les acteurs. Jean Dujardin, lui, est très attendu sur ce rôle. Les gens viennent habillés en jaune aux avant premières. Certains surfent sur les fauteuils de la salle. Son personnage, pour être crédible sur la durée d’un film, ne devait pas être coincé dans sa danse, ses mouvements ou dans une quelconque caricature. Il fallait lui insuffler de la sincérité.

Pour mieux comprendre l’attente, il nous décrit la genèse de Brice et du phénomène. Pour inventer ce personnage, Jean Dujardin est parti d’un mec qui était en terminale avec lui, qu’il trouvait très prétentieux, et de surfeurs fêtards et pas sérieux comme il en voyait beaucoup. A l’époque, il y a 6 ans, les sketchs sont passés dans l’émission des Nous c nous sur France 2 vers 22h30. Puis les mômes ont commencer à se les passer en VHS, et à créer des sites persos. Jean lui même a été surpris que le phénomène dure dans le temps.

James Huth avoue qu’il doit y avoir une certaine grâce dans ce personnage pour que les jeunes se le soient autant approprié. D’ailleurs, il s’étonne, qu’avec toutes les cartes qu’on lui a donné pour être détestable (c’est un gosse de riche…), on ne le haïsse pas. Il suggère que c’est parce qu’il n’est jamais réellement méchant, malgré toutes ses « casses ».

Cette première demi heure, proche des sketchs, et se focalisant sur Brice, lui paraît nécessaire, car elle permet aux néophytes de découvrir le personnage, et aux habitués d’en avoir pour leur argent. C’est aussi un personnage qui exorcise beaucoup d’envies que chacun à pu avoir : dire la vérité de manière crue et directe, dire au téléphone qu’on « attend le coup de fil d’un vrai ami ». On l’admire finalement parce qu’il a une sacré répartie. Clovis Cornillac ajoute que c’est sa cruauté qui plaît, comme chez un gamin. C’est un ado un peu ingrat. Et les deux de conclure qu’il s’agit bien d’un héros, qui se la pète et est bien musclé. Il correspond bien à l’image que certains magazines ou émissions télé prônent : c’est une « enveloppe vide ». James Huth ajoutant que l’on devient soit un peu adolescent à la fin de la projection. Il tente d’ailleurs un jeu de mot, digne de ceux du film (Marius de Fréjus, Babacar de Dakar…), en affirmant qu’ici, « il y a Léon de Lyon ».

Le réalisateur précise que son film traite de thèmes simples, comme l’amour et l’amitié, ou le fait de croire en ses rêves. Il a d’ailleurs souhaité tirer le film vers le conte, en injectant plus de poésie que de vulgarité. C’est Jean Dujardin et Karine Angeli qui ont écrit les deux premières moutures du scénario. Mais c’est avec lui qu’ils ont souhaité créer le « monde de Brice ». L’ensemble s’est construit au fil de l’écriture et du tournage. Clovis Cornillac précise qu’à la lecture un acteur ne peut se rendre compte si les effets seront réussis. Cela risque autant d’être potache et raté, que drôle uniquement par moments. Pour lui, c’est James Huth qui en donnant un visuel gonflé au film (comme la brosse a dent avec les cheveux blonds), ceci avec peu de moyens, a réussit à créer un univers cohérent, et qui a de l’allure.

Ainsi, concernant les doigts de pieds de Marius, James Huth précise que ce personnage devait avoir initialement une autre tare. Mais celle-ci n’était pas assez visuelle. Alors il a essayé diverses choses avec Photoshop, et lorsqu’il a montré à Jean Dujardin les pouces de son fils, agrandis et greffés à la place des pieds de Marius, celui-ci a immédiatement demandé « comment il ferait pour mettre des tongs ». James Huth a alors immédiatement pensé que cela s’inscrivait bien dans l’univers de Brice. Ainsi, la réaction de Clovis Cornillac, qui a eu un fou rire à la vision de la chose, lui a confirmé l’effet incroyable de la chose. Clovis, lui qualifie cela de monstrueusement génial, et pense qu’il est bon de rire de tout, même de ce genre d’idées, forcément un peu cruelles.

La part de l’improvisation a été finalement assez faible sur le tournage déclare James Huth. Car selon lui, plus on est précis dans ce que l’on souhaite obtenir lors d’une scène, plus on y arrive rapidement, et plus facilement on peut se permettre d’autres prises et donc des improvisations. Ainsi, Jean a donné libre cours à son imagination lorsqu’il imite le dromadaire, et ils ont eu l’idée de faire participer son assistant, à qui James, ancien dentiste, a posé une prothèse, pour faire « l’homme écureuil ». Cela a donné l’une des scènes les plus drôles du film. Clovis Cornillac, lui, se demande ce que les journalistes entendent par improvisation. Car il s’agit plutôt d’un niveau de liberté de proposition que peut avoir l’acteur sur un tournage. Cela n’a donc rien à voir avec la télévision.

La discussion se termine par un aparté sur le film produit par James Huth, après Serial Lover, qui s’intitule Dead End, et reste toujours inédit en France. Le réalisateur précise qu’il n’a en effet pas trouvé de distributeur, malgré les 18 prix qu’a reçus ce film, pourtant sorti sur de très nombreux territoires. Il indique simplement qu’après son premier film, il a monté sa boîte de distribution, et a souhaité, avec ce projet, aider deux jeunes réalisateurs à se faire connaître. Et cela s’est plutôt bien passé.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

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