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WHITE DEER PLAIN

Un film de Wang Quan'An

Amours contrariés

La dynastie Qing affamait les paysans de la plaine du cerf blanc (white deer plain) en leur imposant des taxes importantes, à régler en nature, notamment avec des sacs de céréales durement récoltées. En 1920, le nouveau pouvoir communiste commença à mettre en place ses propres taxes…

Les pauvres gens de la plaine du cerf blanc ont une richesse qui sera aussi leur malédiction. Leurs terres sont faciles à cultiver et produisent suffisamment de blé pour que cette manne soit exploitée sous forme d'impôts par les différents pouvoirs successifs. En effet, le scénario de ce film chinois, au travers d'une sombre histoire d'adultère, dresse en toile de fond une peinture de la fin de la dynastie Qing et de l'arrivée du communisme, entre 1920 et 1938. Une histoire aux multiples rebondissements, liés à des jeux de pouvoir complexes, entre clans et pouvoir dominant, coincée entre une révolution et les premiers bombardements japonais en ces terres reculées.

Ce film fleuve d'une durée de 3h08 est donc plus le portrait d'une région maudite et vouée à la pauvreté, malgré ses foisonnantes ressources, que celui de la femme qui déclenchera toutes les tensions par ses agissements, d'abord dictés par le cœur, puis par des pulsions vengeresses. Car suite au premier adultère qu'elle commettra, son mari étant impuissant, la pauvre passera entre les bras de bien d'autres, de manière forcée ou non. D'abord bucolique dans un premier temps (ah, les folies que l'on peut faire au sommet d'une motte de paille !), le destin de cette femme basculera dans la torture et le sang, du fait des traditions comme de la présence de soldats communistes montrés comme de viles violeurs.

Réalisé avec ampleur par le metteur en scène de "Le mariage de Tuya" (ours d'or à Berlin) et "Apart together", "White deer plain" est un film très clairement porté sur les choses du sexe. Ainsi, dès les premières minutes, des enfants se touchent le « wi-wi », d'autres miment un accouchement, alors que la rumeur court que l'héroïne se met des dattes dans le vagin, pour les donner à son mari en nourriture le lendemain, espérant ainsi guérir son incapacité à avoir une érection. Mais cette sombre et passionnante histoire, récompensée par le prix de la meilleure photographie au Festival de Berlin 2012, aborde néanmoins avec justesse bien d'autres sujets tels les mariages de raison et leurs conséquences néfastes, l'injustice sociale, le pouvoir des hommes... Véritable fresque, elle s'avère aussi complexe dans sa trame érotico-amoureuse, que dans sa foisonnante vision de 20 ans de souffrances, de luttes intestines entre clans et d'un sulfureux mixe entre argent, superstition et politique.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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