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VENGEANCE

Un film de Johnnie To

La ligne est franchie...

Lorsqu’un gang débarque chez elle, une femme française est abattue, avec ses enfants, dans son appartement d’Hong Kong. Terrassé, son père lui rend visite à l’hôpital, où à demi-consciente, elle lui désigne les meurtriers, à l’aide d’un journal, et lui demande de la venger…

En dehors de sa fresque sur les triades (« Election »), Johnnie To est un metteur en scène éclectique, qui affestionne le western et aime à jouer les décalage en mélangeant les genres. Ses derniers essais étaient des plus appréciables, aussi libres de ton que dans leurs scénarios certes peu crédibles mais réellement jubilatoires: « Sparrow » sorte de comédie musicale gangsta (non chantée), et « Mad detective » où un enquêteur barré résoud ses enquêtes en se mettant concrètement à la place des victimes. Mais à force de vouloir faire un cinéma singulier, avec « Vengeance » il franchot malheureusement la limite du supportable en matière d'excentricité.

Son scénario s'affranchit d'abord de toute crédibilité, faisant parfois ricaner un spectateur qui s'agace progressivement de cette nonchalence: le journal où Testud désigne les mots par clignements d'oeil est bien pratique car il contient tous les mots qu'il faut, les tueurs sont bien négligeants quand il le faut en n'éliminant pas Johnny pourtant témoin de leur carnage dans la chambre d'hôtel voisine, quant aux caffards ils sont tellement costauds qu'il ont su soulever le couvercle d'une casserrolle histoire que notre chanteur national les retrouvent dans un des plats laissés en cuisson par sa fille !

Et puis Johnny To ne lésine pas sur les scènes outrancières, lourdes d'un sens qui n'avait nullement besoin d'être souligné. Ainsi Johnny écrit « vengeance » sur les photos de sa fille et petits enfants abattus, il perd la mémoire d'un seul coup et totalement, et enfin il prie à genoux dans la mer alors que les morts reviennent vers lui ! Tout cela ne fait pas dans la finesse, tout comme certaines scènes esthétisantes inspirées du western, de fusillade en forêt ou dans un champs, les agresseurs étant cachés derrières de cubes de papier recyclé, générant d'incroyables pluies de feuilles déchiquettées.

Heureusement, et malgré quelques dialogues pathétiques (« c'est ta veste ? »), certaines scènes incongrües fonctionnent bien. Il s'agit par exemple du duel de remontage du pistolet les yeux bandés ou de l'énumération improbable par un moribond, de toutes les caches d'armes dans sa maison dévastée. Cela aurait aussi pu être le cas d'un scénario ironique dans ses coincidences malheureuses, mais dans lequel le code d'honneur des gangsters revêt une certaine importance. Mais cela eut aussi certainement passé par un autre casting côté acteur français.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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