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UNE RENCONTRE

Un film de Lisa Azuelos

Par pitié, Lisa, lâche ton iPod !

Elsa est écrivain, divorcée et mère d’une adolescente. Pierre est avocat, marié et père de famille. Ils se croisent lors de la soirée de clôture d’un salon du livre, et dès le premier regard, quelque chose se produit. Un amour sans limites semble naître entre eux. Et le rapprochement devient inévitable…

On pourrait énumérer la liste complète des tubes musicaux qui composent la bande-son du nouveau film de Lisa Azuelos, mais ce serait faire passer le résultat (et cette critique) pour une bande-annonce de la prochaine session de W9 Hits. On pourrait aussi énumérer le catalogue insensé d’accessoires Apple que la réalisatrice se plait à exhiber toutes les dix secondes (lisez le catalogue, ça ira plus vite), mais ce serait jouer le jeu infâme du placement de produit opportuniste. On se contentera juste de dire qu’en dépit des apparences, "Une rencontre" peut difficilement se voir comme un « film », structuré et pensé comme tel. Déjà que le thème du coup de foudre inattendu entre un homme et une femme semblait avoir tiré ses dernières cartes depuis un bail (de Chéreau à Lelouch en passant par Wong Kar-waï et Sofia Coppola, tout le monde s’y est déjà frotté), mais s’il fallait en plus se farcir une approche branchouille et pauvrette du sujet, c’était le saut à l’élastique assuré... mais sans élastique.

La patte de Lisa Azuelos, pourtant attachante depuis le sympathique "Comme t’y est belle" et le triomphe plutôt mérité de "LOL", semble avoir subi un vilain lifting depuis que la réalisatrice s’est expatriée aux États-Unis afin de photocopier son deuxième film contre un gros chèque (avec Demi Moore et Miley Cyrus en lieu et place de Sophie Marceau et Christa Théret, pas sûr qu’on y ait gagné au change). Ce que l’on voit désormais ici est une réalisatrice un peu larguée, certes non dénuée d’un vrai savoir-faire, mais déterminée à se croire jeune et branchée alors que son point de vue sur le couple et l’amour semble avoir cinquante ans de retard, au point de rendre son film daté, creux, artificiel et profondément malhonnête.

On passe donc la totalité d’"Une rencontre" à jouer au jeu du « Tiens, où est-ce que j’ai déjà vu ça ? », piochant une idée de mise en scène éculée par-ci ou un pompage cinématographique éhonté par-là. Voyez ce montage alterné qui joue sur la poursuite d’un dialogue d’une scène à l’autre, histoire de bien illustrer la continuité invisible d’un adultère potentiel. Voyez ces idées de mise en scène où les deux protagonistes se retrouvent dans une même pièce alors qu’ils sont géographiquement distants, histoire de souligner leur proximité implicite. Voyez la gratuité insensée de ce split-screen, filmé au ralenti comme dans une pub Lancôme, avec la fusion des deux plans pompée sans vergogne sur un plan marquant des "Lois de l’attraction" de Roger Avary. Du mille-fois vu, cloné, dupliqué, régurgité, répété à l’usure toutes les cinq minutes, tout comme la propension d’Azuelos à multiplier les fausses pistes oniriques (presque tout le film se résume à des scènes fantasmées), avec toujours l’enrobage musical qui sert autant à faire la transition entre certaines scènes qu’à tenter de créer une illusion de dynamique émotionnelle. Et là encore, rien à faire, tout sonne faux parce que tout parait trop artificiel.

Le scénario n’est d’ailleurs pas en reste : n’ayant strictement rien à raconter de neuf sur la naissance du désir ou le thème éculé (pour ne pas dire sinistre) de l’adultère, Azuelos tente ici de se dissimuler sous une caution supra-théorique, à travers un prêchi-prêcha sur la physique quantique et le battement d’ailes du papillon (on est chez Lelouch ou quoi ?), et en profite même pour rejouer le recyclage de "LOL" à travers une relation mère/fille calquée sur le même schéma. Sophie Marceau et François Cluzet n’ayant rien à défendre d’autre que le cliché dans lequel Azuelos persiste à les enfermer, on ne se préoccupe jamais de leur sort ni de leur évolution. Et au bout de ces 81 minutes de néant, la finalité de l’intrigue sort enfin de la bouche de Cluzet : « Pour qu’une histoire ne se termine jamais, il ne faut pas qu’elle commence ». OK, Lisa, si tu le dis… Mais peut-être aurait-il fallu suivre ce conseil dès le départ et laisser ainsi cette hypothèse de cinéma à l’état d’hypothèse tout court.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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