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TOUTES NOS ENVIES

Un film de Philippe Lioret

Un film courageux et intimiste qui pèche par excès de militantisme angélique

Une jeune mère vient chercher sa fille à l’école. Elle est abordée par une femme, mère d’une autre élève, qui veut lui rendre les 12 euros prêtés par le biais de l’enfant, pour une sortie d’école, celle-ci indiquant avec fierté qu’elle « ne fait pas la manche ». Quelques jours plus tard, la première, juge d’instruction, retrouve la seconde comme accusée, dans une affaire de surendettement. Elle va tenter de l’aider…

Autant le dire tout de suite, le très attendu nouveau film de Philippe Lioret, « Toutes nos envies » caresse un peu trop le spectateur dans le sens du poil. L'auteur de « Je vais bien ne t'en fais pas » et « Welcome » choisit de mêler deux histoires autour du même personnage, jeune juge d'instruction interprété par Marie Gilain : celle d'un soutien à la jeune mère d'une camarade de classe de sa fille, en situation de surendettement, et celle d'une lutte personnelle contre la maladie (un type particulier de tumeur au cerveau). Indéniablement doué pour mettre en résonance motifs d'indignation et souffrances personnelles, il retente ici le mélange qui avait fait le succès de « Welcome » (qui traitait à la fois des conditions de vie des immigrés, de l'amitié et de la séparation) en faisant, cette fois-ci, de la précarité et du surendettement le nouveau cheval de bataille de ses personnages.

Malheureusement à force de personnages ayant quasiment tous de bonnes intentions, Lioret finit par agacer quelque peu, finissant par rendre peu crédible son discours politique, pourtant légitime, visant les organismes de crédit à la consommation et leur responsabilité dans le phénomène grandissant de surendettement. En effet, d'une part la jeune femme mise en cause ravale bien trop vite l'orgueil qu'elle avait affiché dans les premières scènes, pour finir par accepter robes et autres cadeaux de la part de la juge. D'autre part, les libertés prises avec la déontologie par les deux juges (Gilain et Lindon) achèvent de rendre leurs personnages bien peu crédibles. On s'étonne déjà que la juge, voyant arriver une tête connue en face d'elle lors d'une audience, ne se dessaisisse pas de l'affaire. On est encore plus surpris que le trio entretienne ouvertement des relations amicales, alors que les deux juges se savent surveillés pour cause de procédure disciplinaire.

Librement adapté du livre "D'autres vies que la mienne" d'Emmanuel Carrère, le scénario dénonce cependant avec acuité les dérives des Français face au crédit et les manquements et irresponsabilités des compagnies proposant ce genre de prêts à la consommation. Il met en évidence des situations inextricables et la souffrance qui en découle. Malheureusement, la lutte des deux juges, certainement simplifiée pour rester compréhensible, se transforme trop vite en vendetta personnelle, ceux-ci faisant face à des pressions, qui elles, restent trop distantes. Et ce n'est pas la rencontre avec les représentants des sociétés de crédits à la consommation qui allégera l'aspect justiciers solitaires que revêtent les deux personnages. Cependant l'idée de faire appel à la Cour européenne de justice, plaçant ainsi l'Europe en espoir, et mettant l'État français face à son manque d'implication, ou à son apparente partialité au détriment des consommateurs, s'avère un réel bon point.

Notons enfin que la partie consacrée au drame personnel que vit le personnage principal (Marie Gilain), délicatement traité, ne manquera pas de vous tirer quelques larmes. D'autant que le réalisateur n'a pas son pareil pour mettre ses personnages face à des choix impliquant sacrifice et générosité. « Toutes nos envies » est donc une réussite partielle, mais qui devrait sans doute remporter un succès comparable à celui de « Welcome ».

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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