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THE OLD OAK

Un film de Ken Loach

Entre amitié et entraide

Dans un village du nord de l’Angleterre, TJ Ballantyne, propriétaire d’un pub sur le déclin où il a encore quelques habitués, dont des anciens mineurs, fait la connaissance de Yara, une fille de réfugiés syriens. Passionnée de photographie, celle-ci a vu son appareil cassé par un jeune homme anglais agressif, voyant comme beaucoup l’arrivée de migrant, comme un danger. Lui, décide de l’aider en lui montrant le matériel photographique dont il disposait, laissé dans une arrière salle qu’il n’utilise plus, faute de clients…

The Old Oak film movie

Revenu à Cannes en mai dernier, une nouvelle fois en compétition, accompagné de son fidèle scénariste Paul Laverty, l’auteur doublement palmé pour "Moi, Daniel Blake" et "Le Vent se lève" n’a pas vraiment surpris, mais il a sans aucune contestation possible généré l’émotion. En effet, un an après le très décevant "Tori et Lokita" des frères Dardenne, proposant un partiellement naïf portrait de deux migrants, il n’a pas vraiment évité lui non plus, quelques aspects manichéens. Pourtant son histoire d’amitié entre le propriétaire du pub dénommé le « Old Oak » (le vieux chêne, en Français) et la fille d’une famille syrienne, au départ semblant un peu téléphonée, s’est avéré particulièrement touchant de par son appel à une certaine entraide, plutôt qu’à une opposition stérile.

Mettant en regard deux pauvretés, celles des familles d’anciens mineurs et celles des déplacés, le scénario ne sort pas réellement d’un dispositif, vis-à-vis tout au moins du parcours de TJ Ballantyne : bonne volonté, combativité et débrouille, obstacles multiples, injustice (trahison ou coup du sort), renaissance de l’espoir… Un schéma qui semble sous-tendre bon nombre de métrages de Ken Loach, tels que ses meilleurs, qu’il s’agisse de "Sweet Sixteen", "Raining Stones" ou "My Name is Joe". La particularité vient ici de la conjugaison de deux bonnes volontés, celle de TJ et celle de Yara, œuvrant tous les deux pour l’organisation de repas pour aussi bien les familles de migrants et les familles anglaises les plus démunies.

En ces temps où les communautés se déchirent et s’opposent, et où l’Europe est sous la pression des flux de réfugiés, notamment syriens ou ukrainiens, "The Old Oak" vient rappeler la nécessité de la solidarité. Porté par deux interprètes sont irréprochables, ce récit interroge l’irrationnel dans la peur de l’autre, questionne la capacité à partager quand on a déjà bien peu de choses, et fustige le repli sur soi comme la recherche de boucs émissaires. Peu à peu, l’intrigue permet de faire ressortir les difficultés de chacun, saisissant parfaitement le sentiment de déclassement de la classe ouvrière (les discussions des clients amènent d’effrayants éléments de contexte, en termes d’emploi ou d’immobilier...), comme le sentiment de solitude, subie pour différentes raisons. Questionnant l’absence apparente d’espoir, le scénario n’évite pas un certain schématisme dans la description des deux communautés (l’une fermée, l’autre généreuse), ni sur la fin quelques facilités dramatiques autour du personnage du barman. Il manque également un peu de cette tension qui faisait les meilleurs films de Ken Loach, ici finalement éparpillée entre peut-être trop de sujets annexes.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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