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SORRY WE MISSED YOU

Un film de Ken Loach

Un Ken Loach mineur, dénonçant la précarisation liée aux nouveaux modèles de services

Newcastle. Ricky Turner, père de deux enfants, enchaîne les petits boulots. Décidé à se mettre à son compte, il saisit une opportunité pour devenir conducteur franchisé. Sa femme, Abby, aide à domicile pour personnes âgées, fait souvent des heures supplémentaires. Pour permettre à Ricky d’acheter une camionnette, Abby accepte de vendre sa voiture…

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Résolument inscrit dans la veine sociale contemporaine des films de Ken Loach, au même titre que "Moi, Daniel Blake", "My name is Joe", ou "Sweet sixteen", ce nouveau film, s’il dénonce en bonne et due forme, ce que l’on appelle en France l’ « Ubérisation » de la société, a le défaut de disposer de rouages sans doute trop lisibles. En effet, pour qui connaît bien l’œuvre du metteur en scène britannique, accompagné une nouvelle fois ici de son scénariste fétiche Paul Laverty, la mise en place d’une spirale infernale relève plus de passages obligés que de l’innovation. Et on aura droit ici successivement à l’espoir initial (l’entreprenariat et la perspective à terme d’être enfin propriétaire), les galères quotidiennes (les cadences infernales, les objectifs impossibles à tenir...), l’assombrissement de l’horizon pour les personnes secondaires (la mère, surchargée de travail, le fils adolescent, désabusé), la découverte la spirale vers la misère et le dérèglement de la famille, l’impossible tentative de reprise en main face à un système verrouillé en faveur des patrons ou des riches, puis la renaissance d’un espoir en regardant dans une autre direction.

Les personnages, eux, ont aussi les mêmes caractéristiques que dans nombre de ses films. Ce sont des gens ordinaires, de bonne volonté, volontaires, travailleurs, et soucieux de respect les règles de la société dans laquelle ils vivent. Ken Loach déroule ainsi son intrigue autour d'une famille à la frange de la pauvreté, dont le père se met à son compte comme livreur et la mère assure son job d'aide à domicile, tandis que leur ado de fils préfère s'adonner aux graffitis qu'aller au lycée. Et si le film fonctionne très bien dans ses ressorts dramatiques, il fait cette fois-ci jouer le rôle de « sage » à la fille de la famille.

Très intéressant et documenté dans sa dénonciation minutieuse des franchises et autres fonctionnements de grands groupes de livraison (absence de contrat de travail, responsabilités et coûts rejetés sur l'employé, heures largement au dessus des maximums autorisés, cadences infernales...), le scénario ronronne cependant dans sa logique de descente aux enfers, parvenant à peine à générer l'émotion. S’intéressant particulièrement à la manière dont un travail peut « foutre en l’air » la cohésion d’une famille, le scénario met aussi en évidence l’absence de perspective pour les jeunes générations. Mais même si l’on pourra regretter quelque peu la faiblesse de l'interprétation féminine, dans une dernière partie qui aurait mérité de sa part une colère plus franche, cette cuvée 2019 de Ken Loach vaut tout de même le détour.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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