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SANGUE DO MEU SANGUE

Un film de João Canijo

Sacrifices

Marcia, cuisinière, vit dans un logement social avec son fils, sa fille, et sa sœur Ivete, coiffeuse. Ayant voulu doubler son fournisseur, son fils se retrouve avec 10 000 euros de dettes auprès d'un dangereux dealer. Quant à sa fille, elle lui avoue avoir une relation avec un homme marié...

Affiché comme un film sur l'amour inconditionnel d'une mère pour son fils, ou d'une tante pour son neveu, le nouveau film de Joao Canijo, remarqué à Cannes en 2003 avec « Nuit noire » (« Noite oscura ») est avant tout un film choral, au casting savamment composé. Après une petite introduction sur les agissements du fils, le film se retrouve centré dans un premier temps sur le personnage de la mère. Rita Blanco est quasiment de tous les plans qui composent une longue scène de repas familial, permettant de découvrir les membres d'un clan proprement mis en danger par les actions inconsidérées des plus jeunes. Filmé en grande partie depuis l'extérieur de la maison, ce moment, foisonnant comme dans un film d'Abdellatif Kechiche (« La graine et le mulet » « Venus noire ») dure le temps nécessaire pour poser les bases des relations entre chacun, faites de complicité, de rivalité, de jalousie...

Jouant avec nos nerfs, le réalisateur réussit à brouiller la perception, incluant à son récit la notion d'image que chacun renvoie aux autres. Ainsi la tante est perçue dans un premier temps comme un parasite, vivant aux dépends de cette famille, peu encline à s'assujettir à ses règles, ayant des préoccupations égoïstes et superficielles (se faire refaire la poitrine, par exemple...), avant de prendre une dimension toute autre dans la seconde partie du film. Posant le sacrifice en pouvoir inhérent au genre féminin, Joao Canijo réussit à impulser à son film une tension véritable. À chaque rebondissement, le spectateur se dit également « il ne manquait plus que cela », réplique récurrente du film, le récit accumulant avec ironie les menaces sur la famille de Marcia (impressionnante Rita Blanco, actrice fétiche du réalisateur, entre usure, dignité et peur contrôlée). Il produit ainsi une œuvre sensorielle, signe que le cinéma portugais sait aussi accoucher d’œuvres modernes tournées vers l'avenir et non vers un passé de cinéma qui sent la naphtaline.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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