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PTU

Un film de Johnnie To

Guerre (et coopération) des polices (et des voyous)

Alors qu’il sort d’un restaurant où il a croisé le fils d’un chef d’une triade, le sergent Lo se fait agresser par les hommes de ce dernier. Le laissant inconscient, ceux-ci lui dérobent son arme. Ayant découvert le sergent inanimé, un collègue de la PTU (Police Tactical Unit) lui promet de lui retrouver son arme avant le lendemain matin, pour lui éviter des sanctions, ceci contre l’avis d’un autre chef d’unité présente sur les lieux au même moment…

Johnny To, déjà remarqué l’an dernier à Cannes pour sa peinture des affrontements police – gangsters dans Breaking News, revient avec une description condensée sur une nuit, des relations entre 3 polices qui se relaient et s’épient. D’un côté, la police et ses hommes de terrain, dont fait partie l’inspecteur Lo, de l’autre, la Criminelle, bardée de costumes noirs, et entre les deux, la PTU (Police Tactical Unit) sorte de brigade d’action, vêtue de treillis militaire, sensée notamment maîtriser les mouvements de foules.

Point de foules ici, puisque l’action de PTU se déroule dans Hong Kong la nuit. La vision de la ville est d’ailleurs presque surnaturelle, car désertique, comme vidée de ses habitants, une fois le repas d’ouverture passé. Johnnie To se concentre sur les visions différentes du métiers, de la camaraderie et du respect du règlement que peuvent développer hommes et femmes en fonction de leur appartenance à une unité ou à une autre. Il décrit ainsi sans complaisance, les relations entre voyous et policiers, qu’il s’agisse de collaboration, d’ententes ou de simples échanges de renseignements.

Le réalisateur chinois avait déjà montré son aptitude à dépeindre avec brio les femmes de pouvoir et d’autorité. Il décrit de nouveau ici deux sortes de femmes, la responsable de la cellule criminelle et celle d’une unité de la PTU. Entre intégrité, dureté et suspicion à l’égard des collègues, il les expose aux mêmes compromissions (voir la scène de fin). Alors qu’on attend plus de douceur ou de diplomatie, il met en évidence leur appartenance à un monde d’hommes. Qu’elles soient en civil ou en costumes, elles représentent des polices qui ne valent pas mieux au niveau des méthodes utilisées, passant également à tabac leurs indics.

Johnnie est également très habile dans le décryptage des codes d’honneur, ou dans l’étude des codes de fonctionnement du milieu. La scène d’ouverture, au restaurant, est de ce point de vue, formidablement maîtrisée, et affiche une grossièreté et une prétention permanente de la part des deux bords (membres des triades comme policiers). Avec un humour plus prononcé que dans ses films précédents (le fils poignardé prend le volant, l’allure de clochard de l’inspecteur apparemment sans envergure…), usant également du comique de répétition, il réussit à rendre la violence presque abstraite, hormis dans les passages à tabac. Le tout pour arriver à un final apocalyptique assez efficace, et surtout, loin de toute morale ou déontologie professionnelle. Pari gagné, en attendant son dernier film cannois, Election.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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