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PERSECUTION

Un film de Patrice Chéreau

Malaise

Dans le métro, une SDF fait la manche, s'adressant aux gens qui l'entourent, espérant peut-être une réponse, peut-être du respect, voire de l'espoir. Lorsqu'une jeune femme tente d'esquisser un sourire gêné à son égard, celle-ci lui envoie une grande claque. Un jeune homme s'approche alors de l'agressée, tentant de comprendre le geste de la sans abris...

Patrice Chéreau a le chic pour vous mettre mal à l'aise dès l'entrée en matière, en allant chercher au plus profond de chacun et de chacun de ses interprètes, des sentiments intimes, qu'il est bien souvent malvenu d'exprimer en public. Il suit ici à la trace, caméra vissée sur son visage de plus en plus torturé, un jeune homme débrouillard qui survit grâce à des chantiers, tentant lui aussi de donner un sens à sa vie, alors qu'il sait si bien commenter celle des autres, notamment de son ami Michel, dépressif chronique, et de sa petite amie, qui passe le plus clair de son temps à travailler.

Plus doué pour parler que pour écouter, ce personnage interprété avec fièvre par un Romain Duris habité, doit aussi faire face aux intrusions récurrentes d'un homme plutôt inquiétant (Jean Hugues Anglade, bizarre et flippant) qui se prétend amoureux de lui. En croisant leurs deux points de vue, Chéreau nous livre ici une nouvelle réflexion sur les moteurs de la vie, les relations amoureuses et l'intérêt que l'on peut porter aux autres. Il sort de ses travers torturés à outrance, pour nous livrer une histoire où pour une fois, la chair est joyeuse et complice, offrant presque un soulagement aux turpitudes de l'âme.

Car ici, comme dans la vie, la présence de l'autre dérange, elle oblige à se positionner, à s'impliquer. Et ce mal du siècle, le manque d'implication ou d'intérêt réel pour l'autre, est ici merveilleusement traduit au travers de dialogues brillants que se servent sans relâche deux acteurs français hors normes: Romain Duris et Charlotte Gainsbourg. Le doute s'obstine: "je lui manque pas, jamais". La présence est difficile à assumer et l'idéalisation préférable: "je ne sais pas si je t'aime quand t'es là... en face, c'est compliqué". Et la non-communication s'affiche: "tu n'écoutes pas ce que je dis, tout ce qui t'intéresse c'est d'en penser quelque chose".

On ressort de ce film douloureux, mal à l'aise, bousculé dans ses certitudes d'être un homme ou une femme ouvert ou compréhensif. Le personnage de Duris, comme les autres, nous suit encore bien longtemps après la projection, comme cette magnifique version de la chanson de Julee Cruise, écrite par David Lynch, et interprétée par Anthony and the Johnson's: "The mysteries of love". Tout un symbole en soi, pour une fin déchirante.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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