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MORTAL KOMBAT

Un film de Simon McQuoid

On y a cru, on n’aurait pas dû…

Habitué à perdre des combats contre de l’argent, le combattant Cole Young se retrouve au cœur d’une guerre entre le Dieu du Tonnerre et l’empereur d’Outre-Monde, dont l’enjeu final consiste en une compétition entre les plus grands champions de la Terre et ceux de l’autre monde…

Mortal Kombat film movie

Sorti en achat digital (EPK) le 12 mai 2021

Si ça continue sur cette lancée, on va vraiment finir par baisser les bras et ne plus prêter la moindre attention à tout nouveau reboot d’une adaptation de jeu de baston. On nous gave tellement de « Vous allez voir, cette fois-ci, on a vraiment pris l’œuvre originelle au sérieux ! » ou de « Préparez-vous à du lourd, on ne s’est fixé aucune limite en matière de violence ! ». On nous promet monts et merveilles sur un matériau censé restituer toute la folie furieuse de son modèle vidéoludique. Et à deux ou trois semaines de la sortie, on nous exhibe même des tweets enthousiastes – sans doute écrits par des blogueurs pré-conditionnés ou soudoyés pour leur indulgence – sur un résultat qui, on nous le dit, on nous le répète ad nauseam, va nous clouer au fauteuil. Alors qu’au final, on a surtout envie de clouer les responsables à un mur.

Rappelons qu’avec le jeu "Mortal Kombat", le concept était très clair : des personnages hauts en couleur se foutaient sur la tronche dans un tournoi, et basta. Là-dessus, reconnaissons que le film de Paul W.S. Anderson, sorti en 1995, avait visé juste : ni plus ni moins qu’un bon nanar techno-dance, qui offrait à notre Christophe Lambert adoré les habits du Dieu du Tonnerre (merci encore) et qui respectait la logique binaire du jeu vidéo sans s’embarrasser de prétentions mythologiques à deux balles. Quant à sa suite complètement foirée (dont on sait désormais qu’il s’agissait d’une copie de travail même pas finalisée !), elle nous faisait tellement péter l’élastique de la série Z ridicule et torchée avec les mains dans un panier de crabes qu’on avouait prendre un certain pied à la revoir, jouissant d’observer un tel manifeste de la laideur visuelle la plus carabinée s’inscrire dans un ensemble de séquences sous-écrites et mal jouées. Quoi de neuf pour ce reboot ? Une peau neuve qui exhibe hélas ce qu’on ne voulait surtout pas voir : une intrigue prétentieuse qui tient mordicus à faire passer ses vessies pour des lanternes.

En effet, pas moins de huit scénaristes (?!?) ont sué sang et eau pour accoucher d’un script aux velléités mythologiques très évidentes, brassant des enjeux très premier degré et une multitude de personnages avec tout ce que cela suppose de background torturé (enfin, façon de parler…) et de décors exotiques utilisés comme fonds d’écran. Du mythologique qui se veut sérieux, donc. Sauf qu’on ne voit là-dedans qu’un gros barnum plus mytho que logique, obéissant ni plus ni moins à cette tendance de plus en plus soûlante du cinematic universe. Désolé de remettre à nouveau Marvel et sa politique régressive dans notre viseur, mais là, la tâche est si épaisse qu’on se décharge de toute suspicion d’acharnement… Avec tant de personnages cultes du jeu vidéo qui se contentent de singer le défilé d’autocollants Panini ou qui brillent par leur absence de la narration (message des producteurs : mon ami gamer, va voir le film si tu veux voir Johnny Cage et les autres dans la suite…), il ne fait aucun doute que les producteurs de la chose avaient plein de suites et de perspectives marketing dans la tête avant même le premier clap du tournage. Grosso modo, à l’instar des franchises actuelles qui parasitent la créativité d’Hollywood, l’objet-film compte moins que ce qu’il est censé générer a posteriori. La réception glaciale que le film se mange sur les réseaux sociaux depuis quelque temps devrait donc être la punition la plus justifiée vis-à-vis de leur opportunisme.

Soyons cash : pour un projet surchargé d’une ambition qui frise à ce point le hors-sujet, on ne saisit pas bien l’intérêt de choisir un réalisateur australien sans aucun long-métrage sur le CV, si ce n’est peut-être parce qu’un technicien lambda serait plus malléable qu’un cinéaste au passif déjà établi. On ne saisit pas non plus la logique visant à reléguer presque tous les personnages cultes du jeu vidéo à l’arrière-plan au profit d’un bovin yankee pour sitcom KD2A, inventé pour l’occasion et catapulté héros n°1 sans qu’on sache pourquoi. Et on saisit encore moins la raison qui a poussé les scénaristes à rationaliser les pouvoirs des combattants – notre pudeur de gamer insulté nous interdit de donner des exemples. A la vision de ce reboot, ce qui ressort le plus de chacun de ses photogrammes se résume à l’invariable fléau du fan-service, alimenté par le cynisme le plus entier et jamais motivé par un quelconque désir d’iconisation. Quand bien même la photo et les effets spéciaux témoignent d’un degré d’exigence plus prononcé qu’avant, aucun effort à faire pour y déceler les contours d’un formatage inhérent à toute franchise désireuse de cadenasser son univers au lieu de lui permettre de se lâcher. En conséquence, on se contente ici de javelliser pour mieux marvelliser (à moins que ce ne soit l’inverse), on mise sur le clin d’œil forcé pour se mettre les geeks les moins respectueux dans la poche, et on aseptise la chose en postproduction via une armada de compromis bêtes et méchants. Or, les compromis, on le sait bien, c’est la promesse de devenir con.

Et les fatalités, alors ? C’est qu’on était surtout venu pour voir ça, tout comme on jouait autrefois au jeu vidéo éponyme dans le seul but d’enchaîner les mises à mort les plus sanglantes et les plus extravagantes – cela compensait largement un gameplay faiblard et des sprites hideusement numérisées. L’humour noir qui naissait de cette barbarie digitale répond ici aux abonnés absents. Par la grâce d’un réalisateur qui ne sait ni filmer des combats ni amplifier l’impact d’un effet gore, chaque tentative de fatalité fait jeu égal avec le consensus mou qui anime le récit. Quand ce cher Jax voit ses deux bras congelés puis fatalement craquelés par Sub-Zéro, on ne ressent ni la cruauté de l’action ni la puissance du geste. Non, on voit juste un type qui perd ses bras et deux gouttes de sang qui tombent, voilà tout. Tout espoir est ainsi perdu pour donner vie à des prestations martiales dignes de ce nom (on sent pourtant que la quasi-totalité du casting en avait les moyens et les capacités) et à des fulgurances iconiques en bonne et due forme. Sur ce dernier point, le sort expéditif réservé à Mileena, personnage ô combien sadique et mémorable, met un point final sur la dimension je-m’en-foutiste de la chose. A ce stade-là, le joueur-spectateur est déjà à terre, battu et esquinté par un vilain adversaire qui n’a donc fait que lui mentir et tricher pour prendre l’avantage. Il ne reste plus qu’une ultime fatalité pour nous achever : un générique de fin honteux qui ose nous balancer le thème culte du jeu vidéo sous la forme d’un remix hideux à la sauce Macumba Night. Le game over est imparable. L’escroquerie est actée. Et si suite il doit y avoir, désolé, on ne répondra pas présent.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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