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MIEL

Un film de Semih Kaplanoglu

Un Ours d'or de l'ordre du complice

Un homme monte avec agilité à un arbre, grâce à une corde enroulée autour de ses hanches et du tronc. On entend la branche se fendre… Son fils, très appliqué à la lecture, lui récite sa leçon lors du goûter. Mais une fois devant ses autres camarades, il reste bloqué, n’arrivant qu’à répéter le début de la même phrase…

L'auteur de "Egg" et "Milk" ("Sut", en compétition il y a deux ans à Berlin) clos sa trilogie avec "Honey", le miel, film qui lui a valu l'Ours d'or à Berlin cette année. Il nous permet, grâce à un scénario construit tout en flash back, d'accompagner un gamin appliqué à l'école, suivant chacune des règles que lui impose son père, avec lequel il affiche une complicité évidente, y compris au détriment de la mère, plus en retrait. Conte des jours heureux et de la routine quotidienne, le film s'ouvre sur une scène d'accident, une branche cassant soudain, alors que le père tente de monter à un arbre, où se trouve une ruche.

Nous laissant, comme son protagoniste, en suspend, le réalisateur égraine alors un à un les détails d'une enfance heureuse, faite de rituels: refus du verre de lait préparé par la mère, envol du faucon apprivoisé que le gosse suit jusqu'à l'école, récitation devant un père admiratif, et incapacité de véritable lecture devant ses camarades. La cruauté de l'histoire réside en la coïncidence d'évènements heureux issus des souhaits les plus chers de l'enfant et de l'accident dont on attend le dénouement.

De là à laisser penser que tout acte ou chance doit se payer un jour, ou que même les mensonges bien-intentionnés ont des conséquences, il n'y a qu'un pas que le scénario laisse le spectateur libre de franchir ou non. Reste que "Miel" trouble par le traumatisme coupable qu'il sous-entend, interrogeant avec douceur sur la naïveté de l'enfance, les hasards de la vie, et la capacité de chacun à choisir un chemin, le plus droit possible, ou peut-être simplement le moins tortueux possible. Un film tout en complicité et tendresse, à l'image de son petit acteur, formidable.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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