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MARS EXPRESS

Un film de Jérémie Périn

Recall total

En 2220, Aline Ruby, détective privée obstinée, et Carlos Rivera, réplique androïde de son partenaire décédé voilà cinq ans, se lancent dans une course contre la montre à travers Mars. Ils doivent retrouver Jun Chow, simple étudiante en cybernétique en fuite, avant que les mercenaires assassins qui sont à ses trousses ne l’abattent…

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Ce film-là, on l’attendait avec une impatience monstrueuse. Parce que la jubilatoire série "Lastman" nous avait déjà convaincu du fort potentiel de la team à Jérémie Périn. Parce que les films d’animation français qui lorgnent du côté de la SF pour adultes se comptent sur les doigts d’une main quand ils ne sont pas carrément des échecs au box-office qui surgissent une fois tous les vingt ans. Parce que ce long-métrage tombe à point nommé en plein débat sur les progrès toujours plus inquiétants de l’intelligence artificielle. Inutile de faire durer le suspense plus longtemps : en tant que cyberpolar digne de ce nom, "Mars Express" tient incroyablement bien la route. Rien ne manque à l’appel pour ce qui est des ingrédients du genre : les droïdes « augmentés », les cerveaux reformatés, les langages informatiques, les corps humains refaçonnés, les transmissions télépathiques, les véhicules customisés, l’armurerie dernier cri, la révolte souterraine des robots, etc… Mieux encore : là où l’on aurait pu s’attendre de leur part à un actionner de gros calibre, Périn et son coscénariste Laurent Sarfati réussissent à trouver le parfait point de convergence entre divertissement et réflexion, ce qui assure déjà la réussite de l’entreprise.

D’une production design visuellement splendide (dont on peine à croire qu’un film live serait capable de l’égaler) à un réalisme épuré qui renoue avec le minimalisme des grands récits réflexifs, l’univers futuriste dépeint est en soi à tomber à la renverse, sans pour autant revisiter Mars sous le même angle bigarré que le "Total Recall" de Paul Verhoeven. En outre, que ce soit pour explorer les thèmes de l’intelligence artificielle et de la colonisation martienne, Périn fait passer ses enjeux non pas au forceps par l’intermédiaire de dialogues trop explicatifs (même si cette IA avec la voix de Marthe Keller fait parfois de l’excès de zèle là-dessus) mais au travers d’un découpage propre à une logique de cinéma de genre (en l’occurrence celle du film noir), où la pure dynamique du récit et des péripéties (souvent musclées et violentes) met le spectacle et la réflexion sur un pied d’égalité. Quand bien même le lexique employé nécessitera un léger temps d’adaptation au fil du récit (surtout les termes « déplombage » et « brain farmer »), tout est ici limpide, fluide, captivant, certes très éloigné des vertiges philosophiques et existentialistes d’un Mamoru Oshii, mais on ne peut plus apte à créer un écho vis-à-vis des problématiques contemporaines – celles-là même que les romans d’Isaac Asimov prophétisaient déjà il y a des décennies. De quoi permettre aux néophytes de ne pas se sentir exclus du processus.

Plutôt de très bon augure, tout ça. La réussite à 100% n’est hélas pas au rendez-vous, notre enthousiasme étant ici freiné par une tendance trop prégnante à la référence cinéphile quand ce n’est pas carrément au pompage pur et simple. En effet, dans ce futur-là, on baise sans se toucher et on a remplacé l’airbag par de la mousse antichoc (comme dans "Demolition Man"), on prend l’identité d’un autre en façonnant un masque à l’aide d’un logiciel contenu dans une valise (comme dans "Mission Impossible") et on se fait pourchasser dans un couloir par un tueur avec une longue pointe en fer à la place de la main (comme dans "Terminator 2"). Sans parler d’un nombre incalculable d’emprunts à "Ghost in the Shell", du tandem de flics (une femme svelte et un homme-cyborg baraqué) aux effets de communication psychique en passant par un « boss » final sous forme de gros tank arachno-robotique. À l’image de ce qui était déjà présent dans "Lastman" (mais alors plus acceptable en raison d’une structure sérielle plus propice à la référence), Jérémie Périn peine encore à faire acte de singularité dans son approche des genres populaires, ou tout du moins à éviter le simple agrégat de références – ici pour le coup assez écrasantes. Au moins, l’impressionnante virtuosité narrative et plastique dont il fait preuve est un argument suffisant pour passer outre ce (léger) reproche.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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