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IRRÉVERSIBLE – Inversion intégrale

Un film de Gaspar Noé

Un retour dans le temps pour mieux revenir en avant

Alex, une jeune femme, est victime d’un viol dans un tunnel. Son fiancé, Marcus, va alors tout mettre en œuvre pour retrouver le violeur et se venger. Pierre, un ami du couple va tenter de le calmer…

Irréversible - inversion intégrale film image

Initialement sorti en 2002 et ayant fait son petit effet au Festival de Cannes à l’époque, "Irréversible" ressort aujourd’hui dans une nouvelle version, cette fois-ci chronologique, chapeautée par Gaspard Noé lui-même.

Prétexte pour surfer sur un ancien succès comme d’autre réalisateurs ces temps-ci, véritable nouvelle expérience, ou simple bonus de réédition qui s’est transformé en projet plus ambitieux, l’origine de ce remontage ne semble pas être très claire, Gaspard Noé lui-même se contredisant parfois selon les entretiens donnés. Cependant, il est clair qu’au fil du travail, Gaspard Noé a bien fini par vouloir cette nouvelle version comme une nouvelle expérience complémentaire de la version d’origine de 2002. Alors qu’apporte cette inversion totale ?

Tout d’abord, elle apporte les mêmes forces (ou faiblesses pour certains) que le film de 2002, à savoir une plongée dans les bas-fonds de l’âme humaine et une tentative de comprendre ce qui pousse l’être humain à commettre le pire, le tout porté par une mise en scène très inspirée et une réalisation millimétrée et impressionnante. Cela est dû notamment au fait que rien n’a changé dans l’histoire et que cette nouvelle version 2020 n’est qu’un remontage chronologique… ou presque.

En effet, il est surprenant de remarquer que les durées des deux versions diffèrent l’une de l’autre. Ceci s’explique par le fait, qu’en réalité, un remontage plus subtil qu’il n’y parait a eu lieu, ne se contentant pas simplement de mettre les plans séquences dans l’ordre, mais de les redéfinir presque entièrement, en utilisant par exemple d’autre rushs que ceux retenus dans la version 2002 entre autres (même si là encore, Gaspard Noé se contredit en fonction des sources).

On reste donc en effet exactement dans les mêmes thématiques et réflexions que l’original, mais qu’en est-il de cette nouvelle narration ? N’est-ce pas un paradoxe absolu d’inverser un film dont le titre est justement « Irréversible » ? Ce serait oublier que la vraie force narrative du film de Noé n’est pas tant sa narration que la structure même de celle-ci. En effet, l’important n’est pas tellement de savoir s’il vaut mieux aller du point A au point B ou du point B au point A, mais de justement mettre en avant cette opposition entre les deux points. Que ce soit dans sa narration comme dans sa mise en scène.

Dans une version, on démarre avec le pire, en se demandant qu’est ce qui a bien poussé ces gens-là à commettre une telle atrocité et en finissant sur la découverte qu’ils n’étaient pas si différents de vous et moi. Alors que dans l’autre version, on part de personnages bien introduits et on les suit petit à petit jusqu’à découvrir qu’ils renferment le pire. On pourrait même aller plus loin, et affirmer que la version chronologique gagne même un élément de surprise, puisque pour tous ceux qui découvriraient l’histoire en 2020 [Attention potentiel Spoiler], on ne voit absolument pas Albert Dupontel en tueur impulsif, le basculement intervenant assez tard dans le récit. Un élément de surprise qui souligne encore plus le nihilisme du film.

Finalement, si certains s’amuseront à opposer les deux versions, il faut plus voir ce nouveau montage comme une face B d’une cassette ou d’un vinyle. Si cette nouvelle version perd un peu de sa subtilité par rapport au titre, ce qui est vraiment irréversible n’est pas tellement la narration, que sa propre structure et la construction des personnages. C’est l’opposition entre les deux situations (celle du début et celle de la fin) qui fait l’intérêt du film et le passage de l’une à l’autre, tel un chemin qui, quel que soit le sens dans lequel il est pris, possède toujours le même paysage et la même saveur.

Ray LamajEnvoyer un message au rédacteur

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