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LE FIL DE LA VIE

Une tragédie visuellement époustoufflante

L’empereur d’Hebalon meurt, laissant une lettre à son fils Hal Tara, lui enjoignant de régner et de faire la paix avec le peuple ennemi : les Zerith. Mais le belliqueux frère de l’empereur fait passer la mort de ce dernier pour un meurtre. Hal Tara va alors entreprendre un long voyage, déguisé en homme du peuple, pour venger son père…

Bien sûr, certains feront les fines bouches, arguant de la durée de cet exercice de style, et du classicisme de l’histoire, pourtant apparentée à une pièce originale signée Naja Marie Aidt. Mais l’intérêt de ce film, dont tous les personnages sont des pantins de bois, réside à la fois dans la prouesse technique (115 marionnettes, et 22 des meilleurs marionnettistes), et la recherche graphique. Chaque pantin est en effet mu par plus d’une dizaine de fils, et donc par plusieurs personnes (jusqu’à 5 à la fois), juchées au dessus, et bien entendu absentes à l’écran. Ici apparaît le fameux « fil de la vie », le plus épais de tous, partant du haut du crâne, qui, une fois symboliquement coupé, met un terme à l’existence du personnage.

Visuellement, le film est aussi d’une extrême beauté, s’appuyant sur de nombreuses idées, simples mais recherchées. Ainsi, les fils des marionnettes s’étendent jusqu’au ciel, à l’infini, comme pour signifier l’existence d’un Dieu abstrait. Cela permet aussi de traduire intelligemment des effets de foule, au travers de plans d’ensemble sur de larges paysages. Mais ceci permet également de jouer sur les barrières entre les personnages, les empêchant de se rejoindre (voir la porte de la cité, ou les cellules de la prison, réduites à de simples barres ou grilles de métal) et créée une sorte de langage visuel symbolique assez captivant. De même, chaque membre des marionnettes étant relié au ciel par au moins un fil, des échanges d’organes défaillants sont alors possibles, donnant corps à des trafics d’esclaves, moralement épouvantables, et significatifs des tentations et dérives humaines de l’époque actuelle (clonage, asservissement aux castes de pouvoir, trafic d’organes…). Une vision résolument noire du monde, mais avec un brin d’espoir.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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