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LES DÉMONS

Un film de Philippe Lesage

Dans la tête d’un gamin

Félix est le plus jeune d’une famille modèle de trois enfants. Timide et rêveur, il vit dans une bulle de douceur que viennent perturber ses premiers émois : son attirance pour sa professeur de sport, ses interrogations sur l’orientation sexuelle, son mépris pour les plus faibles que lui… Et il y a cette rumeur, selon laquelle des pervers s’en prendraient aux petits garçons du quartier. Alors que l’année scolaire touche à sa fin, le monde de Félix va peu à peu se peupler de démons imaginaires et réels…

Inconnu au bataillon, Philippe Lesage est un jeune réalisateur canadien dont la filmographie se résume à quelques courts-métrages et un documentaire pudique sur la souffrance des malades en milieu hospitalier ("Ce cœur qui bat"). Avec "Les Démons", son premier long-métrage de fiction présenté au festival du film policier de Beaune en 2016, il adopte un point de vue plus subjectif, déroulant un récit via les perceptions d’un enfant de 10 ans. Une belle idée de départ, puisque c’est l’âge de la crédulité et où chaque micro-incident prend des proportions démesurées.

Avec une ambiance visuelle qui n’est pas sans rappeler celle de "La Solitude des nombres premiers" de Saverio Costanzo (2011), le film offre un bel équilibre entre intrigue macro - cette rumeur d’un pédophile dans la région - et récit intime - le monde intérieur de Félix. C’est d’ailleurs ce deuxième niveau de lecture qui est le plus réussi, avec d’une part le portrait tout en nuances d’une famille apparemment unie, mais dont le couple parental (incarné par les trop rares Laurent Lucas et Pascale Bussières) se fissure, et d’autre part les tourments du cadet, attisés à la moindre interaction sociale (avec ses professeurs, camarades de classe, voisins, copains de ses frères et sœurs, etc.). Sur ce dernier point, l’interprétation du jeune Édouard Tremblay-Grenier impressionne.

Mais là où le film tire son épingle du jeu, c’est dans la narration subjective suggérée qui y est mise en œuvre. Faisant l’économie d’une voix off trop évidente, Philippe Lesage opte pour une mise en scène subtile, inspirée des codes du thriller. Rien ne se montre, rien ne se dit, mais tout se devine. Il suffit d’une composition de cadre et d’un mouvement de caméra pour lire dans les pensées du jeune protagoniste, ou du moins traduire son regard ou son visage en émotion. Derrière l’apparente légèreté du métrage, c’est donc un lent mais durable sentiment d’oppression qui finit par s’installer, titillant nos souvenirs d’enfant et faisant écho à nos sensations d’antan. Un bel exercice de style, qui ne suffit pas de faire de ces "Démons" un grand film mais constitue une raison largement suffisante de le découvrir en salle à la rentrée.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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