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COMME LE FEU

Un film de Philippe Lesage

Un brûlant film, entre désir et rivalités

Marc a invité son meilleur ami Jeff pour un séjour avec sa sœur Aliocha et son père réalisateur, chez un vieil ami à lui, travaillant dans la même branche. Après un long trajet en voiture dans la forêt, celui-ci les attend avec son hydravion au bord d’un lac, pour les emmener dans son chalet isolé. Mais une fois là-bas, sous des apparences de cordialité, les liens entre les uns et les autres, comme les rancœurs vieilles ou récentes, vont faire de l’isolement un potentiel brasier…

"Comme le feu" est un brillant film québécois, qui prend le temps d’installer une situation en apparence amicale et paisible, et de nombreux personnages, en lesquels le désir adolescent ou les frustrations professionnelles couvent, laissant progressivement présager une inévitable explosion. Durant la longue introduction, où l’on suit une voiture dans les forêts canadiennes, c’est juste une main, celle de Jeff, l’ami du fils de la famille, proche de celle de Aliocha, la fille, qui vient suggérer l’attirance de l’un pour l’autre. Quant à la blague malaisante de l’ami du père, prétendant que leur retard au rendez vous pour partir en hydravion était excessif, elle présage aussi des tensions qui viendront par la suite.

Comme un incendie qui couve, c’est à un rythme presque régulier, autour des repas, moments d’interactions par excellence, que les tensions vont s’exacerber et les reproches prendre le dessus sur des conversations civilisées. Avec brio, la mise en scène nous promène entre ces convives, s’approchant de certains, réduisant le champs à un sous groupe, entrant au dessus de la table pour se rapprocher d'une sous-conversation, ou tournant autour de certains invités, comme pour mieux s’attacher aux enjeux en fonction des discussions. Mais Philippe Lesage ("Les Démons", "Genèse") conserve savamment le suspense, suggérant plus qu’il ne montre, laissant planer le doute entre paranoïa et réalité, permettant aux jalousies vénéneuses de prendre ponctuellement le dessus, et transformant de petits détails ou hypothèses en des braises incandescentes.

Sans jamais aller dans la direction la plus attendue, le scénario nous embarque dans un schéma d’humiliation et de vengeance imaginée, qui fait des trois principaux personnages (le père, l’ami du fils, et l’ami qui les accueille) comme d’éternels adolescents, incapables de dépasser leurs blessures d'amour propre. Mais la ou les vraies victimes de ce brasier de sentiments, renforcé ponctuellement par des bruits de palpitants, ne sera pas forcément celle que l’on croit. Ainsi va la cruauté de la vie, où les accointances et les unions se font et se défont, et où il faut parfois accepter sa défaite ou sa mauvaise fortune. Un film dans lequel la rivière ne vous emmène pas forcément où vous le voudriez, que les rapides vous absorbent un temps, ou non.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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