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LES DÉLICES DE TOKYO

Un film de Naomi Kawase

Un film bouleversant et qui donne l’appétit

Une femme de 76 ans répond à une annonce pour devenir cuisinière dans un kiosque qui vend notamment des dorayakis, une spécialité sucrée japonaise. Face au refus de l’homme qu’elle a en face d’elle, elle ne renonce pas, et revient tous les jours, y compris pour faire goûter sa propre recette de ces petits gâteaux…

Avec "Les Délices de Tokyo", la réalisatrice de "La Forêt Mogari" (Grand prix du jury du Festival de Cannes en 2007), repartie contre toute attente bredouille de la compétition en 2014 avec le magnifique "Still the water", a fait le bonheur des spectateurs de la section Un certain regard en 2015, dont le film faisait l'ouverture. Chacun aura beau avoir déjà quelque chose dans le ventre, il faut bien avouer qu'en plus des larmes, ce film poétique et tourné vers la vie, vous fera irrésistiblement revenir l’appétit.

Après avoir capté le doute dans le regard de l'employeur, la réalisatrice japonaise met en avant les moments passés dans la cuisine, comme autant d'éléments tournés à la fois vers la tradition et l'amour d'un travail bien fait. « An » (qui était le titre original du film), c'est le nom de la pâte de haricots rouges confits qui sert à la préparation de petits gâteaux traditionnels appelés les dorayakis. En laissant la vieille dame expliquer sa recette, notamment la manière dont elle « laisse (les haricots) rencontrer le sucre », c'est toute une poésie et un rapport harmonieux à la nature qui se dégage. Naomi Kawase dans de jolies scènes, la saisit ainsi en train de parler aux haricots ou d'observer les détails de la nature (les feuilles des cerisiers).

Adaptant le roman de Durian Sukegawa, Kawase a fait de ces gâteaux les héros de son nouveau film, comme autant de vecteurs de lien entre divers personnages, à l'humanité poignante, et surtout entre générations (tout un groupe de collégiennes vient s'approvisionner à l'échoppe). Au travers de ces charmants portraits, sans angélisme aucun (le succès fait forcément des jaloux), "Les Délices de Tokyo" réussit à parler à la fois d'un passé douloureux et de la perte des traditions. Émouvant en diable, le film aborde la maladie, la précarité dans la vieillesse, ceci avec un tact inouï. Mais il invite avant tout à profiter des petites choses de la vie, et trouve lui-même un équilibre entre la fibre contemplative de l'auteur et une vision plus sociale de l'évolution de notre monde. Un film tout simplement bouleversant.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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