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COMMENT C’EST LOIN

Bloqués… pour de vrai !

Orelsan travaille comme réceptionniste dans un hôtel tenu par un vieux raciste. Gringe est un chômeur qui passe son temps à ne rien faire. Tous deux ont la trentaine, expriment la difficulté de leur quotidien dans des textes de rap à fond dans le mauvais goût, et galèrent à écrire leur premier album. Leurs producteurs leur imposent alors un ultimatum : ils ont vingt-quatre heures pour écrire un morceau qui leur conviennent. Plus facile à dire qu’à faire…

Passer au cinéma n’est jamais une mince affaire lorsque l’on vient d’un milieu artistique qui lui est antagoniste. Mais entre le rap et le cinéma, la passerelle n’est pas impossible, surtout quand on voit les utilisations qu’en ont respectivement fait Eminem dans "8 Mile" et Akhénaton dans "Comme un aimant". Même programme dans les deux cas : utiliser le rap comme outil d’expression d’un quotidien précis, et calquer perpétuellement son montage sur l’énergie du flow et du phrasé. On frétillait d’impatience de voir le génial Orelsan (rappeur originaire de Caen déjà réputé pour ses textes jouissifs et ses punchlines fracassantes) se lancer à son tour dans l’aventure. Du moins, avant de se rappeler l’existence d’une petite pastille télévisée bien rigolote, diffusée depuis peu sur Canal+, et dont ce film constitue en quelque sorte une dérivation pour le grand écran…

Pas la peine de tourner autour du pot : "Comment c’est loin", c’est le concept de "Bloqués" étiré sur 1h30 en prenant juste soin d’extraire Orelsan et Gringe de leur canapé afin de créer un minimum de mouvement et de dynamisme dans la narration. Le souci, c’est que le long-métrage n’est jamais dynamique : à l’image de ses deux héros un peu glandeurs et paumés (qui rappellent beaucoup Jay et Silent Bob, les deux guignols obsédés inventés par Kevin Smith), le film tourne sans cesse en rond, fait du surplace en comptant au maximum sur les rimes et les vannes pour mieux faire illusion, et se sert du cinéma comme d’un prétexte plus qu’autre chose. Quelques plans fixes surnagent bien ici et là (surtout celui de l’abribus, de loin la meilleure scène du film), mais ce sont des plans à la dimension très télévisuelle, et qui, en l’état, ne font que rendre le découpage narratif extrêmement terne.

Alors, certes, les fans d’Orelsan – dont fait partie l’auteur de ces lignes – se réjouiront de quelques moments musicaux à la fois punchy et très inspirés, et le décalage burlesque des deux « Casseurs Flowters » (qui vont même ici jusqu’à revendiquer leur amour pour "Highlander" et "Winter le Dauphin" !) ne manque jamais l’occasion de nous chatouiller les zygomatiques. Reste que, dans le registre des pastilles Canal+ transformées en films, Camille Cottin faisait preuve d’un culot monstrueusement gonflé avec sa "Connasse" là où Orelsan et Gringe n’arrivent pas à insuffler assez d’énergie dans leur partition. La preuve la plus tragique de ce décalage restera le fait d’être incapable de considérer leur création du « morceau final » comme une victoire, vu la mollesse de tout ce qui a précédé dans le récit. Du début à la fin, on les sent… bloqués.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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