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AZUL Y NO TAN ROSA

Un film de Miguel Ferrari

Perte et retrouvailles

Diego, photographe, est en couple avec Fabrizio, accoucheur en maternité. Leur homosexualité, ils ne la cachent pas, et lors d’un repas au restaurant, pour qu’une femme de la table voisine cesse de faire du rentre dedans à son ami, Diego, se lève et l’embrasse, devant l’ensemble des convives. Mais quelques temps plus tard, Fabrizio est victime d’une agression, qui le laisse dans le coma…

Difficile de ne pas être séduit par ce drame coloré vénézuelien, ode à une liberté de vie, oscillant en permanence entre drame et comédie, tout en tentant d'insuffler un brin d'espoir dans les vies de personnages malmenés et solitaires. D'un côté il y a Diego, tempétueux, refusant la fatalité et le mépris et affrontant des « beaux-parents » qui lui refuse un droit de visite à leur fils, prétextant qu'il est la cause de sa sexualité déviante. De l'autre, il y a le fils de celui-ci, Armando, envoyé par sa mère madrilène pour quelques semaines, histoire que ce père qu'il n'a quasiment pas connu, fasse sa connaissance. Un ado en souffrance, renfrogné, qui réclame un contact véridique.

Récompensé du Goya 2013 du meilleur film étranger en langue espagnole, « Azul y no tan rosa » a aussi remporté récemment le Prix du public du Festival Face à Face 2014 de Saint Étienne. Il faut dire que le film est d'une puissance émotionnelle rare, alliant aux multiples drames qui se nouent (l'affrontement avec la belle famille, l'incapacité à trouver des témoins et faire condamner les coupables, le renoncement à des projets, la difficulté du partage entre inconnus...) des petits grains de folie, qui viennent à la fois d'un personnage de chorégraphe transexuelle survitaminé, et de l'omniprésence d'un talk show outrancier aussi flippant que drôle.

N'ayant pas peur d'aborder de manière directe la question de la discrimination, le scénario va droit au but, avec quelques dialogues percutants (Diego dit notamment aux parents de son ami, qui l'empêchent de le voir : « vous êtes pareils que ces fils de putes »), et de belles idées à la symbolique forte, exploitées avec une certaine sobriété : l'alliance mise au doigt du malade inconscient que l'infirmière ne peut retirer du fait d'un replis soudain de la main, le pin qu'ils étaient sensés planter ensemble à Mérida... Enfonçant le clou au travers d'une histoire secondaire (une amourette du fils), quant à la nécessité d'être authentique et fidèle à soi-même, « Azul y no tan rosa » apparaît au final comme un long métrage généreux, aux multiples facettes, qui n'en finit pas d'émouvoir et de vous susurrer à l'oreille, tel le docteur à la fin du film, que malgré les épreuves, « tout ira bien ».

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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