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LES ÂMES NOIRES

Un film de Francesco Munzi

Jeunesse impétueuse et principes ancestraux

Des hommes de mains attendent une cargaison venue d'Espagne. Des transferts bancaires se préparent. Un paiement a lieu sur un chantier. À Milan, deux frères règnent sur de nombreux marchés mafieux. Mais au pays, le fils du troisième frère tire sur une devanture après une embrouille avec une autre famille. Les deux puissants sont contraints de descendre en Calabre...

À l'heure de l'argent facile et des salaires mirobolants incarnés par les rappeurs à chaînes en or, les sportifs et les top-models, comme par les voleurs en col blanc, il semble logique que le sentiment d'injustice se développe, que les petits malfrats se prennent pour les Rois du monde et que les petit-fils de mafieux aient les dents qui rayent le plancher. Pressé de prendre la place qu'il se croit dûe dans l'organisation familiale, Léo va faire fi de toute diplomatie pour régler ses différends, entraînant avec lui toute sa famille dans une potentielle spirale infernale.

"Les Âmes noires" débute comme un film de mafia classique, donnant à voir trafics souterrains, rivalités entre organisations et accords tacites visant à se partager des territoires. Puis, les embrouilles dans lesquelles est impliqué le neveu, obligeant les deux oncles ayant repris le business du patriarche à redescendre au pays, nous plonge dans un univers lugubre, fait de villages quasi fantômes, qui tels des paradis fiscaux off-shore, recèlent les reliquats de familles dont la puissance est désormais ailleurs. Ancrées dans leur patrimoine défraichi et leurs traditions aux règles bien établies, ils semblent là-bas réellement seuls sur terre, gérant ce qu'il reste de leur monde.

Entre caractère obstiné des plus jeunes, inconsciemment belliqueux, et esprit tactique empreint d'une antique rancœur des plus âgés, c'est le destin forcément tragique de cette famille qu'aborde le scénario, tentant de faire exister ceux qui souhaitent une neutralité : le troisième frère, resté au pays pour élever ses chèvres, loin des trafics des deux autres, l'ami du fils, la grand-mère. Espérant capter l'opacité de personnages souvant liés par des relations intéressées, le film amène une certaine tension, autour d'une guerre de clans inévitable, dont l'escalade est justement représentée.

Mais derrière les agissements de chacun, c'est finalement au caractère maudit des membres de cette famille, que s'intéresse le film, traduisant en quelques regards des plus conciliants et extérieurs au conflit, leur impuissance à changer les choses et leur désir de trouver une impossible issue. Histoire d'héritage non forcément souhaité, de famille en ruine, "Les Âmes noires", servi par la sublime photographie de Vladan Radovic, offre une belle montée en tension, pour un final surprenant d'émotion.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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