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VENISE 2007 - Une compétition haut de gamme

La compétition 2007 fut riche en émotions, prolifique en belles images et surtout marquée politiquement. Celle-ci a fait la part belle à l'Histoire avec un grand H, au travers de portraits de figures légendaires ou d'évocations de conflits virant parfois à l'exercice de style. Peter Greenaway a opéré ainsi un retour en force avec La ronde de nuit portrait d'un Rembrandt incarné par Martin Freeman (Love actually), dévoilant ses rapports aux femmes et les messages politiques charriés par ses tableaux, que le réalisateur s'ingénie à reconstituer. Todd Haynes a préféré esquisser les multiples facettes de Bob Dylan avec I'm not there, film polymorphe un peu trop fouillis, où le chanteur – acteur – homme de foi est interprété par 6 acteurs différents, dont Richard Gere, Heath Ledger ou encore Cate Blanchett (prix d'interprétation féminine). Alors qu'Andrew Dominik donna un aperçu de la paranoïa grandissante au sein du clan du célèbre braqueur dans L'assassinat de Jesse James. Récit esthétisant d'une débandade, son film a valu à Brad Pitt un surprenant prix d'interprétation masculine, là où son meurtrier, Casey Affleck apparaissait comme bien plus ambigu.

Autre adepte du western, Takeshi Miike nous a livré son Sukiyaki western Django, hommage peu amusant au fameux et boueux Django. Il faut dire que l'interprétation en anglais par une troupe d'acteurs japonais agace d'autant plus que leur physionomie est loin d'être aussi impressionnante que celle des mexicains de l'original. Exercice de style, Redacted de Brian de Palma (meilleur réalisateur) traitait de la guerre en Irak en usant brillamment de toutes sources d'images, de la télévision du moyen orient, au film familial, en passant par le documentaire, la vidéo surveillance ou l'internet, reconstituant ainsi un violent témoignage d'une réalité bien relative. Egalement branché sur les troupes, cette fois-ci revenues d'Irak, Paul Haggis (Collision) abordait la déformation des comportements des soldats. Mais Dans la vallée d'Elah, en réduisant le conflit irakien à un simple fait divers sur le sol américain, diminue fortement l'impact de son message de reddition.

Loin des conflits, nombre de films traitèrent cette année à leur manière de l'amour, souvent intimement lié à la haine. Entre les obsessions d'un suicidaire pour le sexe, devenu sa dernière raison de vivre (Help me Eros), les questionnements sur l'impossible unicité de l'être aimé (Les amours d'Astrée et Céladon), l'impossible pardon vis à vis d'un père (Nessuna qualita agli eroi) ou les négociations perverses ayant pour enjeu une femme entre mari et amant (incarnés par Michael Caine et Jude Law présents pour Sleuth de Kenneth Branagh), les festivaliers se sont retrouvés face à toutes sortes de comportements. Marqués par une certaine poésie ou noirceur, ces films sont à opposer à Dans la ville de Sylvia, insupportable errance d'un homme à la recherche d'une inconnue croisée 6 ans auparavant, qui manque cruellement de la moindre idée de mise en scène.

Mais les choses se compliquèrent encore plus quand l'histoire se mêlait des destinées de chacun. Dans Lust, Caution d' Ang Lee (Lion d'or surestimé), l'amour rimait ainsi avec compromission politique. Car à Shanghaï, sous l'occupation japonaise, devenir la maîtresse d'un collaborateur notoire n'était pas sans risque, intime comme idéologique. Grand oublié du palmarès, Atonement avec Keira Knightley confrontait un couple des années 30 à l'amour naissant, à une guerre sans issue comme au regard sans pitié d'une soeur envahissante. Un grand drame sublimement mis en scène.

Mais la plupart des films de la sélection 2007 dressaient un état de la société alarmant, de la persistance de la mafia, dans deux films italiens sans grande originalité (L'ora de punta et La dolce e l'amaro, portraits d'ordures toutes relatives) à la nécessité d'une révolte individuelle face à un système (Michael Clayton, où George Clooney jouait les bonnes consciences un peu tardives), en passant par le constat maladroit de corruption des autorités signé Youssef Chahine (Le chaos), qui ne s'embarrasse malheureusement plus d'aucune crédibilité. Dans cette catégorie, c'est surtout 12 de Nikita Mikalkhov (prix spécial pour sa carrière) qui retint l'attention, avec un remake de 12 hommes en colère, fortement imprégné des divisions de l'ancienne URSS et du conflit en Tchétchénie. Un film sur l'entraide et les différences, aussi secouant que salutaire.

Parmi les films engagés figurent ceux de Ken Loach et Kechiche, tous deux primés, stigmatisant cette fois-ci les problèmes liés à l'immigration et l'intégration qui devrait en résulter. Dans It's a free world (prix du scénario) une femme flirte avec l'illégalité en utilisant les immigrés légaux et voit son désir de succès rapide se retourner contre elle. Alors que dans La graine et le mulet (prix spécial du jury), les générations et origines se confrontent en une histoire de lutte pour s'en sortir qui virera inéluctablement au drame. Orchestré et interprété magistralement, le film est une montée en tension de 2h35 aussi démonstrative que subtile.

Pour se remettre de ces émotions, le spectateur eu finalement droit à deux comédies remarquables, étrangement oubliées du palmarès. The Darjeeling Limited, nouvelle fable barrée de Wes Anderson (La vie aquatique) plonge trois frères singuliers dans les tourments d'un voyage initiatique et ferré en Inde. Loufoque, teinté de souffrances intimes et fantasque, le film est une vraie réussite. De même que The sun also rises, nouveau film du réalisateur des Démons à ma porte, tryptique autour de la folie, la perversion et l'amour, dont la fantaisie inquiète autant qu'elle fait du bien. Car il est toujours dans un film, comme dans un festival, difficile de trouver un équilibre entre fond et forme. Venise en tous cas a réussi une nouvelle fois le mélange.

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Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur