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Festival de Clermont-Ferrand 2024 - retour sur le Programme F4

Les Mots pour conclure (dès le début) :

À travers ces cinq courts métrages, se tisse un travail de la mémoire. Que ce soit un contrebandier du XVIIIe siècle, le passé colonial et le deuil d’un ami, ou les Goulags de la République socialiste soviétique en passant par un artiste berlinois de retour dans sa cité et les premiers amours d’un adolescent, le souvenir du passé est à l’honneur dans cette programmation.

MALANDRIN de Héloïse Fressoz

2 étoiles

Romane, une étudiante en criminologie qui part à la montagne pour écrire sa thèse sur un contrebandier du XVIIIe siècle, retrouve son chalet habité par un inconnu. En parallèle, la région est en alerte suite à la cavale d’un évadé de prison.

Lorsque Romane surprend la présence d’un étranger chez elle, elle se met à le surveiller, l’épier et s’imagine qu’il s’agit du criminel en cavale. Curieusement, l’étudiante en criminologie n’a pas le plus commun des réflexes (prévenir la police). Elle joue les enquêtrices et va même jusqu’à sympathiser avec l’individu. Est-ce qu’il s’agit là pour l'autrice de dénoncer un imaginaire voyeurisme ? Car en réalité [ATTENTION Spoiler], le squatter n’est pas le criminel recherché, contrairement à ce que l’imaginaire de Romane commençait à fantasmer. On pourra en tous cas s’étonner que cette apprentie détective ne soit pas allée chercher une photo du suspect en cavale pour vérifier s’il s’agissait bien de la personne, mais il n’y aurait alors pas eu d’histoire.

MÉMOIRES DU BOIS de Théo Vincent

1 étoile

Moussa, un agent d’entretien du parc de Vincennes, doit faire le deuil de son ami mort.

C’est un film sur la mémoire et sur les traces qu’on laisse à l’image de Moussa, agent d’entretien qui nettoie les détritus des soirées qui ont eu lieu dans le parc. Il est question de la mémoire collective comme ce bâtiment de l’exposition universelle qui a survécu au temps et peut encore s’apercevoir dans le bois de Vincennes, ou bien cette sculpture dédiée aux soldats noirs morts pour la France. C’est aussi un travail de mémoire lié au deuil. Moussa a perdu un ami dont le corps est reparti au Sénégal et il essaie de garder un souvenir vivace de celui-ci en accrochant des photos de lui sur un arbre, donnant l’impression d’un petit sanctuaire. On pourra trouver dommage le manque de structure de l’histoire et son propos qui aurait pu être mieux développé.

LETTRES DU PÈRE (animation) de Alexey Evstigneev

3 étoiles plus

Dans une forêt enneigée de la Russie des années 30, un père loin de sa fille lui écrit une lettre lui racontant son quotidien. Il lui explique sur quoi il travaille : l’étude des plantes qui réussissent à survivre à un hiver si rude. Mais la jeune enfant ne sait pas que son père a été déporté dans un goulag.

Souvent, lorsqu’on doit parler d’un sujet aussi dur que celui-ci, on le fait avec poésie et c’est ce que réussit avec succès ce court-métrage. Avec poésie, cette histoire nous fait ressentir un esprit qui lutte pour sa survie, comme ce père qui étudie la résistance des plantes à des conditions de vie inhospitalières. Il y a ce jeu sur les proportions : le père et la fille sont dessinés en tout petit dans un environnement immense, il y a cette scène où la jeune fille, pas plus grande qu’une botte de soldat, se fraye un chemin lors d’un défilé militaire. Comment peut-on faire pour survivre à un système qui oppresse toute forme de liberté ?

APRÈS L’AURORE de Yohann Kouam

2 étoiles plus

Un film choral dans un quartier HLM. Nous suivrons alternativement Yves, un artiste trentenaire de retour de Berlin pour voir sa famille, Hamza, un adolescent sourd qui arpente les rues avec son groupe dont tous les membres communiquent par la langue des signes et Déborah, une entraîneuse de basketball qui vit seule.

Il est dommage que l'intention derrière ce film choral soit difficile à percevoir. À part ce quartier, quel est le lien ou le thème qui unit ces personnages ? Un meilleur accord des voix de ces trois protagonistes aurait rendu l’œuvre probablement bien plus impactante. Néanmoins, l'atmosphère est là, il y a plein de merveilleuses trouvailles qui rendent le film captivant, comme la communication en langue des signes de ce groupe d'adolescents délinquants. La force de cette histoire est de nous dépeindre une cité avec une grande diversité, et c’est peut-être là le thème qui unit ces personnages.

L’ÂGE ACROBATIQUE de Mathieau Barbet

5 étoiles

Lucas, treize ans, peu dégourdi avec son corps, découvre le rock acrobatique et tombe amoureux de la fille la plus agile et impressionnant, Myrtille.

La première chose qui marque dans ce film, qu’on comprend en à peine deux plans, c’est que le réalisateur connaît sa caméra et sait ce que veut dire « mise en scène ». Les chorégraphies de danse sont souvent difficiles à mettre en valeur, mais ici tout est réussi. La symbolique de l’écriture est également là : trois jeunes se sont inscrits dans le mauvais cours : ils ont pris le niveau avancé alors qu’ils n’ont pas les bases. Ce sera le lien avec Lucas qui n’est pas à l’aise avec les relations amoureuses et les premiers flirts, et qui tombe sur la fille la plus populaire… Il n’est pas prêt pour ça.

Autre bravoure d’écriture, cette merveilleuse déclaration d’amour mêlée d’excuse que Lucas fait à Myrtille sur son lit d’hôpital après lui avoir cassé le bras dans une pirouette. Les décors, les vêtements et cette entraîneuse qui semble venir tout droit d’URSS, ainsi que ces vidéos d’éducation sexuelle donnent un aspect année 70 à l’ensemble. Cette ambiance nostalgique nous rappellera nos premiers faux pas et maladresses amoureuses à cet âge ingrat : un âge acrobatique.

Yvan Coudron Envoyer un message au rédacteur