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cannes 2014 - Retour sur la Quinzaine des réalisateurs : Les histoires d’amour finissent mal... en général

Un chum chum, un Big Jim télécommandé, des cymbales, un ourlet bien fait, un petit chien de paille, un tube de Rihanna, une piscine à balle, une coupe mulet, un maquereau mixé, un bambou magique, un baptême, un Rembrandt caché, l’apocalypse, un vibromasseur, une horloge, un tribunal, une cape de super-héros… mais aucun raton-laveur. Cet inventaire, non exhaustif, révèle bien tout l’éclectisme des films présentés à la Quinzaine des Réalisateurs en 2014. On a frémi, on a pleuré et on a beaucoup ri au fil du programme qui, dans sa grande majorité, relate des histoires de couples plus ou moins bien assortis. Qu’il soit poursuivi par beau papa dans « Catch me Daddy », qu’il dure jusqu’à la fin du monde (« These final hours ») ou qu’il explose pour cause de coups et blessures (« Refugiado »), le couple n’était pas toujours à la noce cette année au Palais Stéphanie. L’occasion de revenir sur les quatre films les plus marquants à ce sujet.

Divorce à l’israélienne

Aujourd’hui encore, en Israël, mieux vaut réfléchir à deux fois avant de se passer la bague au doigt. Enfin, surtout Madame, car si plus tard, elle n’aime plus Monsieur, il faudra attendre que ce dernier veuille bien la répudier devant le tribunal rabbinique pour que le divorce soit prononcé. Cette loi d’un autre âge est illustrée par le percutant film de Ronit et Shlomi Elkabetz « Le procès de Viviane Amsalem » (« Gett »). Magnifique huis clos cloîtré dans un tribunal aux allures de salle de classe, le film israélien décortique la patience d’une femme, déterminée à retrouver sa liberté après 30 ans passés auprès d’un homme qu’elle n’aime pas. Dialogues percutants, silence éloquents, le couple se déchire par avocats et témoins interposés devant 3 rabbins peu ouverts à l’émancipation féminine. L’amour si peu présent fut-il, se transforme en haine, faisant de ce couple meurtri une paire de duettistes amers et rancuniers. Certainement un des films les plus marquants de la quinzaine.

Arnaque, crime et mysticisme

Comme ce fut le cas pour Viviane et Elisha ci-dessus, il est de coutume de s’unir devant Dieu. Celui de Michel l’aide avant tout à draguer les filles sur des sites spécialisés. Avant chaque rencontre, il brûle dans une prière, la photo de la promise afin de glorifier son instinct de séducteur. Derrière l’homme à femme se cache un escroc notoire qui arnaque ses pauvres victimes en leur faisant miroiter le grand amour. Parmi elles, Gloria sera si envoûtée, qu’elle proposera d’assister le gentleman cambrioleur en échange de son silence. S’ensuivra un road trip décapant démontrant que parfois, le cœur a ses raisons que la morale ignore. Brillamment interprété par l’éternel énigmatique Laurent Lucas et la volcanique Lola Dueñas, cet « Alleluïa » de Fabrice Du Welz, loue le cynisme dans un registre savoureusement trash et démontre bien qu’au sein d’un couple, si boiteux soit-il, la jalousie est un vilain défaut.

Ménage à trois

Cependant, il est des fois, où il est plutôt sain de vouloir garder l’exclusivité vis-à-vis de l’être aimé. Surtout quand celui-ci est pieds et poings liés dans une liaison indestructible, puisque fraternelle. C’est le cas de Chelli dans « At li layla », qui depuis son enfance s’occupe de sa jeune sœur Gabby, handicapée mentale. Forte et déterminée, elle développe des trésors de patience pour ne pas avoir à abandonner la jeune fille dans une institution spécialisée. Leurs parents ont depuis bien longtemps baissé les bras en rémunérant leur fille aînée, pouvant ainsi échapper à l’aliénation qu’induit un tel dévouement. Or, Chelli rencontre Zohar, qui par amour va venir emménager chez les deux sœurs. Très conciliant, profondément humain, l’amoureux va jouer l’arbitre dans cette relation fusionnelle entre les jeunes filles. Un jeu d’équilibriste qui poussera chacun des protagonistes à redéfinir sa place dans un amour complexe et viscéral.

À l’amour, comme à la guerre

Sous le soleil estival des Landes, un autre ménage à trois voit le jour : celui d’Arnaud, Madeleine et… l’armée de terre ! « Les Combattants » de Thomas Cailley, n’ont pas le même cheval de bataille. Pour Madeleine, l’apocalypse est imminente et tout sera question de survie dans un monde revenu à son état primaire. Pour Arnaud, le combat est d’autant plus fastidieux, puisqu’il veut conquérir le cœur de Madeleine. Un postulat de départ alléchant qui met en scène deux êtres totalement opposés : un jeune homme sensible, attentionné et timide d’un côté et de l’autre, un véritable « garçon manqué » déterminé à ne jamais passer pour une mauviette de fille qu’elle est en apparence. En résulte une comédie savoureuse et attachante, magnifiquement interprétée par Kevin Azaïs et l’époustouflante Adèle Haenel dont le talent explose littéralement cette année. Ainsi, comme il est de coutume que toute belle aventure se conclue par une histoire d’amour, La Quinzaine des Réalisateurs a vu consacrer ce charmant premier long métrage, qui a séduit le public au point de remporter l’essentiel des prix remis lors de l’événement.

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Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur